Deux journalistes de Reuters arrêtés en Birmanie

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RANGOON (Reuters) - Deux journalistes birmans de Reuters, qui enquêtaient sur la répression militaire à l'égard des Rohingya, ont été arrêtés mardi soir à Rangoon, la plus grande ville de Birmanie, a annoncé mercredi le gouvernement, affirmant que les journalistes ont rompu la législation encadrant les secrets officiels.

Le ministère de l'Information a déclaré dans un communiqué publié sur sa page Facebook que les deux journalistes, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, ont "obtenu illégalement des informations dans le but de les partager avec un media étranger".

D'après la loi sur les secrets officiels, qui date de 1923, à l'époque de la domination britannique, les deux journalistes encourent jusqu'à 14 années d'emprisonnement.

Une photo des deux journalistes menottés accompagne le communiqué du ministère de l'Information, lequel précise que les deux journalistes sont détenus dans un commissariat en périphérie de Rangoon.

Wa Lone et Kyaw Soe Oo étaient portés disparus depuis mardi soir après avoir été invités à dîner par deux responsables de la police.

"Il est exact qu'ils ont été arrêtés", avait dit le porte-parole du gouvernement, Zaw Htay, en réponse à une question de Reuters avant la publication du communiqué. "Pas seulement vos reporters, mais aussi les policiers qui étaient impliqués dans cette affaire. Nous allons intenter une action contre ces policiers et contre les journalistes."

Près d'un million de Rohingya, minorité musulmane apatride, ont fui les violences militaires en Birmanie et trouvé refuge au Bangladesh.

Les Nations unies estiment que cette répression militaire est "un exemple type de nettoyage ethnique".

"SCANDALISES PAR CETTE ATTAQUE FLAGRANTE CONTRE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE"

"Wa Lone et Kyaw Soe Oo couvrent en Birmanie des événements d'importance mondiale, et nous avons appris aujourd'hui que leurs arrestations sont liées à leur travail", a réagi Stephen J. Adler, président et rédacteur en chef de Reuters.

"Nous sommes scandalisés par cette attaque flagrante contre la liberté de la presse. Nous demandons aux autorités de les relâcher immédiatement", a-t-il ajouté.

L'ambassade américaine à Rangoon a expliqué dans un communiqué diffusé sur son site Internet être "profondément préoccupée par ces deux arrestations extrêmement anormales".

"Pour que la démocratie aboutisse, les journalistes doivent pouvoir exercer leur travail librement. Nous incitons le gouvernement à s'expliquer sur ces arrestations et à autoriser immédiatement l'accès auprès des journalistes", ajoute le communiqué de l'ambassade des Etats-Unis.

Ces deux arrestations ont également provoqué des réactions de la part de la mission de l'Union européenne à Rangoon, qui a expliqué "suivre cette affaire de très près".

"Nous demandons aux autorités birmanes de veiller au respect des droits (des deux journalistes de Reuters). La liberté de la presse est le fondement de toute démocratie."

Wa Lone travaille pour Reuters depuis juin 2016 et a notamment couvert la crise des Rohingya dans l'Etat de Rakhine (Arakan).

Kyaw Soe Oo, qui a rejoint Reuters en septembre dernier, couvrait les conséquences de la répression militaire dans l'Etat de Rakhine et la ségrégation exercée par les bouddhistes.

"J'ai été arrêté", a seulement pu écrire Wa Lone dans un SMS adressé mardi soir au chef du bureau birman de Reuters, Antoni Slodkowski, pour l'informer de ce qui était en train de se produire.

Peu de temps après ce SMS, le téléphone de Wa Lone a semble-t-il été éteint.

Les collègues des deux journalistes au bureau de Reuters à Rangoon ont alors signalé leur disparition et se sont rendus dans trois commissariats.

Ils ont aussi interrogé des représentants du gouvernement, sans obtenir d'informations officielles avant mercredi soir.

(John Chalmers; Tangi Salaün et Jean Terzian pour le service français, édité par Gilles Trequesser)