Macron au défi de la France des territoires "oubliés"

reuters.com  |   |  904  mots
Macron au defi de la france des territoires oublies[reuters.com]
(Crédits : Yves Herman)

par Elizabeth Pineau et Simon Carraud

PARIS (Reuters) - C'est l'un des principaux arguments de la droite et un défi majeur du quinquennat d'Emmanuel Macron : répondre aux besoins d'une France reculée, que l'opposition juge "oubliée" des élites parisiennes, dont le président français serait un symbole.

Edouard Philippe a consacré deux jours cette semaine à la thématique des territoires périphériques et ruraux handicapés par la manque de services publics, de santé notamment, mal desservis en transports ou privés d'internet.

Le Premier ministre tentait notamment de répondre aux crispations des collectivités locales en passe d'être privées d'une partie de leurs dotations.

"Ce sentiment de relégation ressenti ou bien réel, nous en avons fait un aiguillon permanent", a-t-il dit jeudi à Cahors (Lot), évoquant une "priorité nationale qui irrigue toute l'action du gouvernement."

Pris par ses obligations internationales, Emmanuel Macron ne devrait quant à lui pas se déplacer en régions avant janvier, a fait savoir son entourage.

Six mois après l'arrivée au pouvoir du président, ses détracteurs voient dans le thème des territoires une brèche pour attaquer un gouvernement jusqu'ici peu freiné par l'adversité politique ou syndicale.

Marine Le Pen et Laurent Wauquiez, qui se rêvent chacun en premier opposant, renvoient Emmanuel Macron à la caricature d'un président de la France qui va bien, énarque et ex-banquier, sourd à la détresse de la France réelle.

Par contraste avec le chef de l'Etat, Laurent Wauquiez soigne son profil d'élu de province, où le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a installé sa famille après une jeunesse parisienne passée dans les grandes écoles.

"HAINE DE LA PROVINCE"

"Et la Haute-Loire, c'est plutôt la France périphérique. Ce qui fait une très grande différence avec monsieur Macron, dont le parcours est très simple : Rothschild-Elysée-Bercy-Elysée", dit-il dans une interview au Parisien publiée jeudi.

Fin octobre, dans le Journal du dimanche, le nouveau chef de file des Républicains (LR) s'était déjà livré à une violente charge contre le "plus parisien des présidents qu'on ait jamais eus", dépeint en Narcisse "hanté par une haine de la province".

Marine Le Pen se présente quant à elle en porte-parole de la "France des oubliés", à laquelle l'Elysée tournerait le dos.

De fait, la présidente du Front national fait en moyenne ses meilleurs scores dans les campagnes et les zones périurbaines, tandis que son adversaire au second de la présidentielle a réalisé un grand chelem dans les grandes villes.

A gauche, La France insoumise (LFI) voit dans le malaise des territoires un moyen de mobiliser une opinion que le camp de Jean-Luc Mélenchon a échoué à soulever cet automne contre la réforme du Code du travail, faute d'appui dans la rue.

"Il nous faut trouver des initiatives qui peuvent montrer que le peuple n'est pas d'accord avec Emmanuel Macron, ce dont nous sommes persuadés", dit un député LFI.

Du côté du pouvoir, on se veut pragmatique avant tout face à ces attaques politiques.

"On a trop de chantiers à faire pour accorder beaucoup d'attention aux propos affligeants de Laurent Wauquiez", déclarait jeudi à Reuters le député LREM Florian Bachelier. "Regardez le profil et les parcours des femmes et des hommes à l'Assemblée nationale et nos centaines de milliers d'adhérents : ils vivent vraiment les réalités de terrain".

Jeune parti né il y 20 mois, La République en marche veut s'appuyer sur le maillage représenté par ses 380.000 adhérents.

"Chez moi, en Ille-et-Vilaine, un million d'habitants, il y a 7.000 adhérents LREM là où le PS n'en a jamais eu plus d'un millier. Ils sont à l'écoute, tous les jours", dit Florian Bachelier.

"CHOC DE PERCEPTION"

Le gouvernement entend pour sa part répondre au plus vite, thème par thème, aux sujets de préoccupation.

"Pas plus que nous n'acceptons de zones blanches en matière de numérique ou de santé, nous ne pouvons les accepter pour les transports", déclarait mercredi la ministre des Transports, Elisabeth Borne, lors des assises de la mobilité.

Un mois après la présentation d'un plan contre les "déserts médicaux", Edouard Philippe a confirmé jeudi à Cahors l'objectif d'une couverture de la France entière en haut débit en 2020 et en très haut débit en 2022.

"Il faut un choc de perception dans l'opinion, et ce dès le premier semestre 2018", explique le secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi.

L'an prochain, le thème de la représentation des territoires sera remis sur le métier à l'occasion de la réforme des institutions voulue par Emmanuel Macron, qui prévoit notamment une réduction d'un tiers des parlementaires.

Au Sénat, assemblée des territoires où la droite est majoritaire, la fourchette de 240 à 260 sénateurs, contre 348 aujourd'hui, est avancée. Mais des élus s'inquiètent d'une réduction qui conduirait des départements à ne plus compter qu'un seul sénateur.

"On ne peut envisager que cette révision se fasse sur le dos des territoires les plus fragiles. C'est la ligne rouge", déclarait cette semaine devant la presse parlementaire le président du groupe LR de la Chambre basse, Bruno Retailleau.

(Avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)