Le FPÖ obtient 3 portefeuilles régaliens au gouvernement autrichien

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L'extreme droite autrichienne entre au gouvernement[reuters.com]
(Crédits : Leonhard Foeger)

par Shadia Nasralla et Kirsti Knolle

VIENNE (Reuters) - Le jeune chancelier conservateur autrichien Sebastian Kurz a conclu un accord de gouvernement avec l'extrême droite, qui disposera notamment des portefeuilles régaliens des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Défense.

La présidence autrichienne a annoncé samedi que le nouveau cabinet de coalition prêterait serment lundi à 11h00 (10:00 GMT).

Sebastian Kurz, âgé de 31 ans, sera le plus jeune chef de gouvernement d'Europe. Quant à l'Autriche, elle va devenir le seul pays d'Europe occidentale avec un parti d'extrême droite au gouvernement.

Le président Alexander Van der Bellen, qui a le pouvoir de nommer ou de dissoudre les gouvernements, avait reçu samedi dans la matinée Sebastian Kurz et Heinz-Christian Strache, le chef de file du FPÖ (Parti de la liberté, extrême droite).

Kurz et Strache ont ensuite présenté dans l'après-midi les détails de leur accord de coalition. Ils avaient choisi pour l'occasion un lieu symbolique, le Kahlenberg, hauteur dominant Vienne qui est connue pour avoir été le théâtre de la bataille qui, en 1683, mit fin au siège de la ville par l'armée ottomane.

Leurs deux formations politiques s'engagent à rester un partenaire européen fiable: "Nous contribuerons, en partenaire actif et fiable, à la poursuite du développement de l'UE, au sens où le principe de subsidiarité devra être essentiel", lit-on dans leur programme de gouvernement.

Dans la conférence de presse conjointe qu'il a tenue avec Sebastian Kurz, Heinz-Christian Strache a indiqué qu'il acceptait qu'il n'y ait pas de référendum sur un retrait de l'Autriche de l'UE.

Le FPÖ retrouve ainsi les cabinets ministériels de Vienne pour la première fois depuis le gouvernement de Wolfgang Schüssel entre 2000 et 2005, époque où le FPÖ était dirigé par Jörg Haider.

Un porte-parole de l'ÖVP, le parti conservateur de Sebastian Kurz, a confirmé samedi en début d'après-midi que le FPÖ obtiendrait, entre autres, les portefeuilles des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Défense.

LE FPÖ ADOUCIT SON DISCOURS ANTI-UE

Le président du FPÖ, Herbert Kickl, 49 ans, aura le portefeuille de l'Intérieur, Mario Kunasek (41 ans) celui de la Défense, et l'experte en droit international Karin Kneissl, même si cette femme de 52 ans n'a pas la carte du parti, sera ministre des Affaires étrangères sous l'étiquette FPÖ, a dit le porte-parole.

En outre, Nobert Hofer, candidat malheureux à la présidentielle face à Alexander Van der Bellen, devient ministre des Infrastructures, a continué le porte-parole de l'ÖVP.

Au total, le parti conservateur ÖVP contrôlera huit ministères et le FPÖ six, dont Heinz-Christian Strache comme vice-chancelier.

Sebastian Kurz a dévoilé samedi que son ministre des Finances serait Hartwig Löger (ÖVP). Ce patron de 52 ans dirige la branche autrichienne du groupe d'assurances Uniqa.

Outre les Finances, l'ÖVP contrôlera les portefeuilles de la Justice et de l'Agriculture. Quant à Gernot Blümel, cadre de l'ÖVP âgé de 36 ans, il sera ministre de la Chancellerie.

L'ÖVP de Kurz a remporté les élections législatives du 15 octobre avec 31,5% des voix après une campagne centrée sur la lutte contre l'immigration.

Le FPÖ est arrivé troisième avec 26% des suffrages, juste derrière les sociaux-démocrates du chancelier sortant Christian Kern (27%).

Le FPÖ a sensiblement adouci son discours anti-Union européenne ces dernières années et Sebastian Kurz s'est voulu plusieurs fois rassurant sur la tonalité pro-UE de son futur gouvernement. Samedi, le chancelier Kurz a redit que son gouvernement n'organiserait pas de référendum sur l'appartenance de l'Autriche à l'UE.

Si le FPÖ, qui prône davantage de démocratie directe, a dû accepter d'exclure d'un éventuel référendum la question de l'appartenance de l'Autriche à l'UE, Kurz et Strache sont en revanche d'accord pour s'opposer à une plus grande intégration européenne, notamment sur les questions sociales.

"Il n'y aura pas de vote sur notre appartenance aux organisations internationales, à l'Union européenne notamment", a déclaré Kurz lors d'une conférence de presse organisée avec Strache.

L'accord gouvernemental, long de 180 pages, dresse une série de projets qui vont des baisses d'impôts à la diminution de la dépense publique grâce à un rétrécissement du nombre de fonctionnaires, mais il ne fournit aucune feuille de route expliquant comment ces objectifs seront mis enoeuvre.

Lors de l'entrée du FPÖ de Jörg Haider au gouvernement en 2000, les autres pays membres de l'UE, au nombre de 14 à l'époque, avaient imposé à Vienne des sanctions diplomatiques, de portée essentiellement symbolique.

Un scénario peu susceptible de se reproduire aujourd'hui, alors que les partis anti-immigration ou anti-système ont renforcé leurs positions sur tout le continent.

(avec Francois Murphy; Jean-Stéphane Brosse et Eric Faye pour le service français)