La Bourse croit au potentiel du mariage Thales-Gemalto

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La bourse croit au potentiel du mariage thales-gemalto[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

par Cyril Altmeyer

LA DEFENSE (Reuters) - Les investisseurs saluent lundi l'annonce d'un mariage entre Thales et Gemalto, qui comptent ainsi devenir les leaders du traitement et de la protection des données, le Graal commun des géants de la technologie et des industries comme l'aérospatiale et la défense.

L'équipementier Thales, qui a présenté dimanche une offre amicale de 4,8 milliards d'euros sur le spécialiste de la sécurité numérique, supérieure à celle d'Atos, non sollicitée, s'adjuge 7,9% à 93,1 euros à la Bourse de Paris à 16h50, tandis que la SSII, qui a jeté l'éponge, cède 1,71% à 126,4 euros.

Gemalto prend 5,68% à 49,495 euros, encore en dessous du prix de 51 euros coupon attaché proposé par Thales, une offre largement au-dessus des 46 euros proposés par Atos.

Patrice Caine, PDG de Thales, a dit lors d'une conférence de presse avoir eu des contacts informels depuis plusieurs mois avec Philippe Vallée, directeur général de Gemalto, qui a rejeté mercredi une offre d'Atos présentée fin novembre.

Le savoir faire de Thierry Breton, qui a doublé la taille d'Atos en intégrant plusieurs acquisitions successives, avait convaincu l'Etat, a dit une source gouvernementale.

"Le projet industriel était très crédible, donc, nous, ça ne nous posait pas de problème, d'où l'expression de Bpifrance qui s'est montrée favorable à l'offre", a-t-elle dit.

Mais la révélation lundi dernier de l'offre d'Atos sur Gemalto a fait réagir en très peu de temps Thales, généralement plutôt prudent dans ses opérations de rapprochement, a-t-on précisé de même source.

"Ils sont venus nous voir dans les jours qui ont suivi, comme on est au conseil d'administration, l'Etat est en général mis dans la boucle", a ajouté la source.

La vraie différence entre les deux offres, c'est que Thales a réussi à convaincre la direction et le conseil d'administration de Gemalto, au contraire d'Atos, a-t-elle précisé.

"On s'est retrouvés dans un affrontement entre deux groupes français qui ne nous posait pas de problème de principe mais on les aurait peut être invités à parler ensemble avant", a poursuivi la source, ajoutant que l'Etat n'avait pas vocation à privilégier une offre par rapport à une autre.

Pour Barclays, l'opération est très cohérente d'un point de vue stratégie et en termes de chiffre d'affaires et paraît bien plus intéressante pour Thales que de rester sur une imposante trésorerie nette, qui atteignait 2,294 milliards d'euros au 30 juin.

DES CARTES SIM POUR OBJETS CONNECTÉS

Thales est déjà très présent dans la cybersécurité et les contrats avec les gouvernements, deux activités clés de Gemalto.

"Gemalto n'est pas du tout une opération de diversification pour Thales, c'est notre jardin", a souligné Patrice Caine aux analystes.

Même les cartes eSIM, des cartes SIM intégrées dans divers appareils connectés comme les drones ou les voitures connectées, font tout à fait partie de la stratégie de Thales.

L'équipementier a fait savoir qu'il avait d'ailleurs l'intention de conserver toutes les activités de Gemalto, y compris les cartes SIM, répondant à une inquiétude manifestée dimanche par les syndicats du groupe.

Mais le directeur général de Gemalto Philippe Vallée a souligné sur BFM Business que le plan de 288 suppressions de postes en France annoncé fin novembre serait bien réalisé.

Les syndicats ont dit espérer le retrait de ce plan dans le cadre du rachat par Thales, qui a proposé de donner accès aux salariés de Gemalto concernés à ses plans de mobilité interne et à ceux de sa filiale à 35% Naval Group (ex-DCNS).

Thales s'est en outre engagé à préserver l'emploi dans les activités françaises de Gemalto au moins jusqu'à fin 2019.

SAISIR D'AUTRES OPPORTUNITÉS

Thales, qui estime avec Gemalto pouvoir devenir le numéro deux mondial de la cybersécurité avec 4,2 milliards de dollars (3,6 milliards d'euros) de chiffre d'affaires, juste derrière l'américain Symantec, n'anticipe pas de problème antitrust majeur ni de difficultés concernant les autorisations liées aux investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS).

Thales a multiplié les acquisitions aux Etats-Unis ces dernières années, afin de se renforcer dans la connectivité avec LiveTV, dans la protection des données avec Vormetric, et dans le "big data" avec Guavus.

La relution du bénéfice par action approcherait 25% en prenant en compte les synergies tirées du rachat de Gemalto, a estimé le directeur financier de Thales Pascal Bouchiat.

Il a dit n'entrevoir de possibles "synergies négatives" et problèmes antitrust que dans l'activité de sécurité des entreprises, mais dans une mesure limitée.

Au total, Thales compte faire croître le chiffre d'affaires de Gemalto d'environ 5% par an et de porter sa marge au-dessus de celle du reste du nouvel ensemble deux à trois ans après l'acquisition.

Dassault Aviation, premier actionnaire industriel de Thales avec 25%, prend 2,04% en Bourse à 1.330,05 euros, tandis que Worldline, division de paiement cotée d'Atos, s'adjuge 7,61% 40,89 euros, les analystes ayant craint qu'elle ne soit cannibalisée par une acquisition de Gemalto par sa maison mère.

(Avec Marine Pennetier et Mathieu Rosemain, édité par Dominique Rodriguez et Yves Clarisse)