Le gouvernement conservateurs/extrême droite prête serment en Autriche

reuters.com  |   |  788  mots
Le gouvernement de coalition conservateurs/extreme droite prete serment en autriche[reuters.com]
(Crédits : Leonhard Foeger)

par Francois Murphy et Kirsti Knolle

VIENNE (Reuters) - La première fois que le Parti de la liberté (FPÖ) est entré au gouvernement il y a près de dix-huit ans en Autriche, des manifestations de masse contre l'extrême droite avaient obligé les nouveaux ministres à emprunter un tunnel entre la chancellerie et la présidence pour la prestation de serment.

Lundi, le dirigeant du FPÖ, Heinz-Christian Strache, nouveau vice-chancelier, a pu, comme il l'avait promis, gagner la Hofburg, siège de la présidence, "la tête haute et à l'air libre".

L'Autriche, à l'issue des élections législatives du 15 octobre, est le seul pays d'Europe occidentale où la coalition gouvernementale compte un parti d'extrême droite.

Les réactions à ce nouvel accord entre les conservateurs de l'ÖVP et le FPÖ ont été bien moins vives qu'en 2000.

Neuf rassemblements de protestation étaient prévus à Vienne à l'heure de la prestation de serment du nouveau gouvernement, à 11h00 (10h00 GMT), mais ils n'ont pas rassemblé les dizaines de milliers de personnes qui avaient manifesté à l'époque.

Environ 1.500 policiers avaient été déployés dans la capitale.

Plusieurs milliers de manifestants ont été bloqués sur une place à une centaine de mètres de la Hofburg, l'ancien palais impérial. Les nouveaux ministres ont pu entendre leurs slogans en se rendant à la présidence.

Les manifestants, au nombre de 10.000 selon les organisateurs, ont défilé dans le calme avec des pancartes proclamant "Nazis dehors" et une banderole où l'on pouvait lire "Ne laissez pas les nazis gouverner".

La police a estimé leur nombre à 5.000-6.000 et dit avoir procédé à trois arrestations.

"Je redoute un virage total à droite, un durcissement du climat politique intérieur et de l'incitation à la haine contre les étrangers", a déclaré un manifestant âgé de 69 ans, Wolfgang Pechlaner.

Le rassemblement a pris fin en début d'après-midi.

TROIS MINISTÈRES RÉGALIENS

Le dirigeant conservateur Sebastian Kurz, 31 ans, est devenu le nouveau chancelier, l'ÖVP étant arrivé en tête des élections avec 31,5% des voix, après avoir mené une campagne anti-immigration proche de celle du FPÖ qui s'est classé troisième avec 26% des suffrages, juste derrière les sociaux-démocrates du SPÖ (27%).

Lors de la cérémonie, le président Alexander Van der Bellen a souligné les principes intangibles que sont "l'engagement de l'Autriche au sein de l'Union européenne, la continuité de sa politique étrangère, le respect des droits fondamentaux et des libertés fondamentales".

L'Autriche a exclu d'organiser un référendum sur le maintien dans l'UE, ainsi que de remettre en cause les sanctions européennes contre la Russie, malgré les positions eurosceptiques et pro-russes du FPÖ.

"La coalition désormais au pouvoir en Autriche doit susciter la vigilance des démocrates attachés aux valeurs européennes. La situation est sans doute différente par rapport au précédent de l'an 2000. Mais la présence de l'extrême droite au pouvoir n'est jamais anodine!", a écrit sur Twitter le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici.

A Berlin, la chancelière Angela Merkel a dit espérer une bonne coopération avec le nouveau gouvernement autrichien.

"Nous regarderons comment évolue la politique européenne de l'Autriche. Le chancelier Kurz a l'intention d'être un partenaire actif en Europe et je m'en réjouis. Nous avons beaucoup de problèmes à résoudre en Europe."

"QU'ATTENDENT LES DÉMOCRATES POUR RÉAGIR ?"

La France a adressé ses félicitations à Sebastian Kurz.

"Le nouveau chancelier a, à de nombreuses reprises, affirmé son attachement aux valeurs européennes et au projet européen, ce que le programme de son gouvernement reprend", a déclaré le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Alexandre Giorgini.

"C'est bien dans cet esprit que nous voulons engager le dialogue avec son gouvernement, particulièrement en vue de la présidence du conseil de l'Union européenne qu'exercera l'Autriche au second semestre 2018", a-t-il ajouté.

Sur Twitter, l'ancien Premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault s'est insurgé contre la présence de l'extrême droite au gouvernement. "Trois ministres d'extrême-droite à des postes clefs en #Autriche. Qu'attendent les démocrates européens pour réagir?", a-t-il écrit sur Twitter.

En 2000, des pays européens avaient imposé des sanctions à l'Autriche pour dénoncer la présence de l'extrême droite au gouvernement. Cette année, aucune initiative de ce genre n'a été prise.

L'extrême droite disposera notamment des portefeuilles régaliens des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Défense. Au total, le parti conservateur ÖVP contrôlera huit ministères et le FPÖ six.

(Avec Heinz-Peter Bader et Thomas Escritt; Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)