Le casse-tête de l'inflation reste entier pour la Fed

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(Crédits : Joshua Roberts)

par Howard Schneider

WASHINGTON (Reuters) - Le casse-tête de l'inflation reste entier pour la Réserve fédérale américaine et pour son nouveau président Jerome Powell, qui remplacera en février prochain Janet Yellen.

Lors de sa dernière réunion monétaire de l'année, la Fed a relevé ses taux d'intérêt et ses prévisions de croissance pour la première économie mondiale, tout en estimant que l'inflation devrait encore échouer à atteindre son objectif de 2%.

L'institut d'émission considère comme "transitoires" toutes les baisses de prix affectant différents secteurs, allant des vêtements aux abonnements téléphoniques, en passant par l'énergie et les médicaments, mais ces replis ont été suffisamment importants et répétitifs pour que l'inflation reste inférieure à l'objectif de 2% pendant cinq années de suite.

Les dernières projections économiques montrent que les responsables de la Fed restent désarçonnés par cette faible hausse des prix, dans un contexte de reprise constante de la croissance et d'un taux de chômage au plus bas depuis 17 ans.

Lorsque la Fed a décidé la semaine dernière de relever ses taux d'intérêt pour la cinquième fois depuis fin 2015, le problème de l'inflation a suscité deux dissidences parmi les neuf membres votants du comité de politique monétaire (Federal Open Market Committee) et le fossé pourrait se creuser.

"L'inflation (...) est trop basse et l'est depuis un certain temps", a déclaré vendredi le président de l'antenne de la Fed de Chicago, Charles Evans, dans un communiqué publié vendredi.

Charles Evans, qui n'aura pas de droit de vote aux prochaines réunions monétaires de 2018, a dit s'être prononcé contre ce troisième resserrement monétaire de l'année, en raison d'inquiétudes face à la faiblesse de l'inflation.

NOUVEAU PRÉSIDENT, VIEUX PROBLÈME

Ce débat va probablement perdurer pendant les premiers mois du mandat de Jerome Powell à la présidence de la Fed. Il sera difficile pour la Fed de justifier de nouvelles hausses de taux à moins que l'inflation ne se rapproche de son objectif.

Avec des taux déjà exceptionnellement bas, cela signifie que Jerome Powell ne disposera que d'une marge de manoeuvre pour soutenir l'économie en les abaissant en cas de récession.

Lors de sa dernière conférence de presse comme présidente de la Fed, Janet Yellen avait peu de conseils à donner, et s'est contentée de reconnaître qu'il y avait peut-être quelque chose de fondamentalement erroné dans la façon dont la Fed considérait l'inflation, le chômage et la relation entre les deux.

"J'ai tenté d'être directe en disant que cela pourrait nous conduire (à penser) qu'il s'agit de quelque chose de plus enraciné et qui pourrait s'avérer permanent. Il est très important d'étudier cette possibilité et, si nécessaire, de revoir notre réflexion", a-t-elle dit mercredi à la presse en évoquant la faiblesse de l'inflation.

Les prévisions économiques publiées après la réunion monétaire de la Fed contiennent des éléments qui pourraient sembler contradictoires.

La Fed a dit anticiper une accélération de la croissance en 2018, et un taux de chômage à 3,9% contre 4,1% actuellement. Un niveau si faible pourrait permettre aux employés de demander des hausses de salaires et aux entreprises d'augmenter leurs prix.

Et pourtant, l'inflation devrait encore échouer à atteindre l'objectif de 2% fixé par la Fed en 2018, ce qui peut expliquer pourquoi la banque centrale ne prévoit pas d'accélération du rythme de la hausse des taux l'année prochaine.

LIEN ENTRE INFLATION ET CHÔMAGE

La Fed table sur une inflation de 1,7% cette année, de 1,9% en 2018 et de 2% en 2019, un palier auquel elle devrait rester.

Les responsables de la Fed ont déjà émis des projections similaires par le passé et se sont trompés.

Yellen a expliqué que la Fed ne comprenait peut-être pas le lien entre l'inflation et le taux de chômage dans l'économie actuelle, avec des millions de personnes en âge de travailler encore sans emploi, d'autres choisissant des emplois à temps partiel et le développement d'une "économie des petits boulots"

Théoriquement, il existe un taux de chômage en dessous duquel l'inflation augmente, et il est possible que l'estimation de ce taux soit en baisse et "doive encore baisser davantage", a-t-elle dit.

Dans ses projections de la semaine dernière, la Fed a conservé ce taux "de plus long terme" à 4,6%, tout en prévoyant un taux moyen de 4% jusqu'à 2020 sans reprise sensible de l'inflation, une autre contradiction apparente.

Les experts de la distribution et les spécialistes de l'inflation estiment que les secteurs des vêtements, de l'automobile, de l'électronique et autres biens ne devraient pas contribuer à faire grimper l'inflation.

La baisse de 1,3% des prix des vêtements en novembre aux Etats-Unis a été le plus fort recul du secteur depuis 1998.

L'évolution des circuits de distribution et des habitudes de consommation pèse sur les prix, souligne Blerina Urici, vice-présidente du département recherche économique chez Barclays.

Des sites de commerce en ligne, comme Amazon, ne représentent que 10% des ventes au détail, relève-t-elle, et l'impact des innovations technologiques sur les ventes et la distribution prendra probablement quelques années pour se faire pleinement sentir.

La technologie "permet aux consommateurs d'entraîner les distributeurs dans un environnement très concurrentiel", explique Rick Helfenbein, de l'association professionnelle American Apparel&Footwear Association.

"Les distributeurs ont réagi."

(Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Juliette Rouillon)