Un haut responsable kurde syrien pessimiste sur Sotchi

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Un haut responsable kurde syrien pessimiste sur sotchi[reuters.com]
(Crédits : Rodi Said)

par Tom Perry

BEYROUTH (Reuters) - Les efforts déployés par la Russie pour trouver une solution politique à la guerre en Syrie échoueront et le conflit est bien parti pour se prolonger au-delà de 2020, estime le haut responsable kurde Aldar Khalil dans une interview à Reuters.

Aldar Khalil, qui est au coeur des projets d'autonomie pour les Kurdes du nord de la Syrie, juge également que les Etats-Unis ne semblent pas pressés de quitter les régions où ils ont soutenu les forces arabo-kurdes dans leur lutte contre le groupe Etat islamique. Il s'attend même à voir les liens avec Washington se renforcer dans le cadre de la reconstruction.

Les Kurdes syriens figurent parmi les rares vainqueurs de près de sept ans de guerre en Syrie, ayant établi leur contrôle sur de vastes portions de territoire dans le nord de la Syrie.

Ils ont été invités par la Russie à participer à la conférence que Moscou organise à Sotchi les 29 et 30 janvier.

"Oui, nous sommes invités et nous pourrions prendre part au spectacle même s'il ne sera pas couronné de succès", a dit par téléphone à Reuters Aldar Khalil, qui copréside le Mouvement de la société démocratique (Tev-Dem), une coalition de partis kurdes syriens.

Il s'est toutefois demandé ce que les centaines de participants attendus au "congrès du dialogue national" de Sotchi pourraient obtenir comme résultats en deux jours, estimant qu'il aurait fallu préparer davantage la rencontre.

Le processus parallèlement engagé par les Nations unies à Genève aboutira aussi à un échec, a encore déclaré Aldar Khalil, prédisant que la guerre en Syrie allait perdurer de manière fluctuante au moins jusqu'en 2021, date d'expiration de l'actuel mandat présidentiel de Bachar al Assad.

"Je n'attends aucune percée avant 2021 (...), cela pourrait même durer jusqu'en 25."

"Daech (EI) pourrait s'implanter dans d'autres régions et bien sûr les Turcs pourraient essayer de créer des problèmes çà et là", a affirmé le responsable kurde.

AUTONOMIE

La Turquie a vu d'un très mauvais oeil la montée en puissance des Kurdes syriens depuis le début du conflit en 2011. Elle considère ces derniers comme des alliés des Kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui combattent les forces turques dans le sud-est de la Turquie depuis plus de trente ans.

Aldar Khalil est considéré comme l'un des principaux promoteurs de la création d'une région autonome kurde dans le nord de la Syrie - un projet auquel s'oppose Washington même si les Etats-Unis soutiennent la milice kurde syrienne YPG.

Les autorités kurdes syriennes ont organisé deux élections au niveau local depuis septembre dernier, avec la volonté de mettre en place de nouvelles structures de gouvernement. Des discussions sont en cours pour savoir quand aura lieu l'étape suivante, l'élection d'un parlement régional.

Le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis a déclaré le mois dernier qu'il s'attendait à voir augmenter la présence de civils américains en Syrie, y compris de contractuels et diplomates, afin de renforcer la stabilisation du pays et empêcher le retour de l'Etat islamique.

Aldar Khalil a estimé que les objectifs affichés par les Etats-Unis, comme celui d'aider la ville dévastée de Rakka, impliquent un engagement d'au moins dix-huit mois à deux ans. "Ces questions ne seront pas réglées en moins de temps", a-t-il souligné. "Ils ne semblent pas pressés de partir", a-t-il dit.

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)