Lancement des états généraux de la bioéthique

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Lancement des etats generaux de la bioethique[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Les états généraux de la bioéthique, vaste concertation de six mois appelée à nourrir la révision de la loi bioéthique de 2011, ont débuté jeudi en France avec à la clef des débats potentiellement vifs sur des sujets sociétaux et éthiques qui restent politiquement très sensibles.

Procréation médicalement assistée, suicide assisté, dépistage de maladies génétiques, autoconservation des ovocytes : médecins, experts, associations et citoyens sont appelés à donner leur avis et à débattre jusqu'au 7 juillet sur internet ou dans le cadre de débats organisés en région.

"Tout l'enjeu de ces états généraux est de prendre le pouls de la société civile sur des sujets passionnants mais aussi difficiles et complexes", explique Jean-François Delfraissy, président du comité consultatif national d'éthique (CCNE), organisateur de la consultation.

"Ce débat ne doit pas être mené uniquement entre des spécialistes en éthique ou médecine", poursuit-t-il, dans un entretien à La Croix publié jeudi. "Plus l'on va brasser d'idées, mieux ce sera. Dans ce processus, nous devons aussi prendre garde à ce que les positions extrêmes de part et d'autre ne bloquent pas l'expression des idées".

En plus d'un site internet qui sera ouvert début février, une soixantaine de débats et d'ateliers vont être organisés en France d'ici au mois d'avril. Le CCNE mènera parallèlement ses propres auditions du milieu associatif, des "acteurs du privé" et des "grands courants de pensée religieuse".

Un panel de citoyens composé d'une vingtaine de personnes sera également mis en place. A l'issue des débats, le CCNE rendra un premier rapport "neutre" en juin puis remettra "dans le courant de l'été" son avis sur la révision de la loi de 2011.

INCONNUE SUR LE CONTENU DE LA LOI

Le projet de loi devrait être examiné au Parlement à l'automne avant une adoption "au premier semestre 2019".

Les débats devraient être animés. Près de cinq ans après l'adoption mouvementée de la loi ouvrant la voie au mariage et à l'adoption aux couples de même sexe, les questions éthiques et sociétales restent politiquement sensibles en France.

Dans une interview à La Croix publiée en mars 2017, en pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait prévenu qu'il ne se précipiterait pas pour légiférer, notamment sur la question de la fin de vie.

Le candidat estimait que les questions éthiques de société ne seraient pas "prioritaires" et que la priorité était "dans la transformation économique et sociale du pays, dans la modernisation de l'action publique et dans une initiative forte au niveau européen".

"Les états généraux vont permettre de rebattre les cartes sur un certain nombre de sujets", a précisé sur France inter jeudi matin Jean-François Delfraissy, dont le CCNE a émis plusieurs avis notamment sur la PMA, la GPA et l'autoconservation des ovocytes. Pour autant, "ce n'est pas parce qu'on va en débattre lors des états généraux que ce sera retenu dans la loi".

LES FRANÇAIS FAVORABLES A LA GPA

Parmi les questions évoquées lors de la consultation, celle de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires pourrait dominer les débats. Cet élargissement de la PMA, à l'heure actuelle réservée aux couples hétérosexuels infertiles, a reçu un avis favorable du CCNE en juin 2017 et Emmanuel Macron s'y est montré favorable dans le cadre d'une "concertation apaisée".

La délicate question de la gestation pour autrui (GPA), qui consiste à avoir recours à une mère porteuse pour le compte d'un couple, devrait également être abordée. Selon un sondage Ifop publié début janvier, une majorité de Français s'y disent désormais favorables, un feu vert toutefois conditionné pour une grande partie d'entre eux à des raisons médicales.

Dans une tribune publiée dans Le Monde mardi, 110 personnalités et associations de lutte contre l'infertilité réclament une "GPA éthique" respectant les parties prenantes et une prise en compte des droits des enfants nés par le recours de cette pratique, interdite en France.

Lors de la campagne, Emmanuel Macron s'est dit hostile à la légalisation de la GPA qui "pose une question sur la dignité du corps de la femme".

Quant à la question de la fin de vie, deux ans après l'adoption de la loi Claeys-Leonetti - qui instaure un droit à la "sédation profonde et continue" pour les malades en phase terminale - elle ne devrait pas être révisée dans la prochaine loi bioéthique, selon l'ancien chercheur en génétique et ancien président du CCNE, Axel Kahn.

"Je ne pense pas la loi sur la fin de vie sera modifiée dans le cadre de cette révision, tout simplement parce que ce n'est pas la même loi", a-t-il dit sur RFI jeudi. "Elle vient d'être réadoptée à l'unanimité en 2016 et ce corpus ne fait pas partie de la loi de bioéthique".

(Marine Pennetier, avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)