La CEDH condamne la Turquie pour violation de l'Etat de droit

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(Crédits : Vincent Kessler)

STRASBOURG (Reuters) - La Cour européenne des droits de l'homme a condamné mardi la Turquie pour violation de l'Etat de droit en raison du maintien en détention de deux journalistes en dépit d'une décision de la Cour constitutionnelle rendue en leur faveur.

La plus haute juridiction turque avait ordonné, le 11 janvier, la libération de Mehmet Altan et Sahin Alpay, deux journalistes et universitaires arrêtés après la tentative de coup d'Etat de juillet 2016, en estimant que leurs droits avaient été violés, mais les cours d'assises d'Istanbul avaient refusé d'obtempérer.

"Le fait qu'un autre tribunal remette en question les compétences d'une cour constitutionnelle, dotée des pouvoirs de rendre des arrêts définitifs et contraignants concernant les recours individuels, va à l'encontre des principes fondamentaux de l'État de droit et de la sécurité juridique", affirme la juridiction du Conseil de l'Europe dans son arrêt.

Constatant la dérogation notifiée par la Turquie à certaines dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme dans le cadre de l'état d'urgence, au lendemain du putsch manqué, elle juge qu'une mesure de détention qui n'a pas été opérée par les "voies légales", ne respecte pas "la stricte mesure requise par la situation".

La Cour de Strasbourg conclut dans les deux cas à une violation du droit à ne pas être détenu arbitrairement et du droit à la liberté d'expression, constatant, avec la Cour constitutionnelle turque, que les deux journalistes n'ont été poursuivis qu'en raison de leurs opinions.

Sahin Alpay, journaliste au quotidien Zaman, un journal lié au mouvement "guléniste" auquel les autorités imputent la tentative de coup d'Etat et qui a été fermé depuis, a été libéré vendredi dernier mais reste sous le coup d'une inculpation pour liens avec une entreprise terroriste.

Mehmet Altan, professeur d'économie et animateur d'une émission de débat politique sur Can Erzincan TV, une chaîne de télévision également fermée après le coup d'Etat, a été condamné à la réclusion à perpétuité le 16 février dernier.

Le Cour, qui n'était pas saisie de cette condamnation qui est encore susceptible de voies de recours, condamne Ankara à verser 21.500 euros à chacun des deux hommes au titre du dommage moral.

Il s'agit des premières décisions sur le fond de la juridiction du Conseil de l'Europe concernant les effets de la répression consécutive à la tentative de renversement du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, qui a fait 240 morts le 15 juillet 2016.

Plus de 50.000 personnes ont été arrêtées depuis lors et plus de 150.000 ont été suspendues de leurs fonctions ou limogées dans des secteurs comme l'armée, la police ou encore l'enseignement.

Quelque 130 organes de presse ont été fermés et environ 160 journalistes ont été emprisonnés, d'après l'Association des journalistes, soit le nombre le plus élevé au niveau mondial selon différents organismes internationaux.

(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)