Inde : Début du procès pour viol et meurtre d'une fille de huit ans

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Inde: debut du proces pour viol et meurtre d'une fille de huit ans[reuters.com]
(Crédits : Stringer .)

par Fayaz Bukhari

SRINAGAR, Inde (Reuters) - Huit hommes accusés d'être impliqués dans le viol et le meurtre d'une fillette musulmane de huit ans en janvier dans l'Etat de Jammu-et-Cachemire en Inde ont comparu devant la justice lundi pour la première audience d'une affaire qui secoue le pays.

La fillette, issue d'une communauté nomade des forêts du Cachemire, a été droguée, détenue dans un temple hindou et a subi des sévices sexuels pendant une semaine avant d'être étranglée et battue à mort avec une pierre, selon la présentation des faits donnée par la police.

Le chef présumé de la bande, un fonctionnaire à la retraite du nom de Sanji Ram, s'occupait du petit temple hindou où la fillette a été détenue et violée. Deux des huit personnes qui comparaissent sont des policiers accusés d'avoir été soudoyés pour étouffer l'enquête.

Après l'audience de lundi à Srinagar, l'affaire a été ajournée au 28 avril, le temps que la Cour suprême examine une requête de l'avocate représentant la famille de la victime sur un dépaysement du procès. L'avocate, Deepika Singh Rawat, demande qu'il se poursuive ailleurs, disant craindre pour sa sécurité. La Cour suprême envisage de le dépayser à Chandighar, au Pendjab.

L'avocate dit avoir été menacée de viol et avoir reçu des menaces de mort avant le procès pour avoir accepté de plaider.

La révélation de ce crime a déclenché des manifestations dans plusieurs villes indiennes ces derniers jours.

L'indignation du public a été renforcée par le soutien aux accusés initialement apporté par des ministres du parti Bharatiya Janata (BJP) du Premier ministre Narendra Modi.

Les Indiens ont également manifesté à propos d'une autre affaire de viol impliquant un député du BJP dans l'État de l'Uttar Pradesh, dans le nord du pays.

De grandes manifestations avaient eu lieu en Inde en 2012 après un viol en réunion suivi d'un meurtre d'une jeune fille dans un autobus de Delhi. L'affaire avait contraint le gouvernement, dirigé à l'époque par le Parti du Congrès, à renforcer la législation sur le viol en le rendant passible de la peine de mort.

MODI CRITIQUÉ

Le signalement des viols est en augmentation en Inde : 40.000 cas ont été recensées en 2016, soit 60% de plus qu'en 2012. Mais beaucoup d'affaires ne sont toujours pas signalées, en particulier dans les zones rurales défavorisées.

En 2012, les électeurs avaient sanctionné le Congrès à Delhi, à cause de l'affaire de viol. Cette fois-ci, le parti du Congrès a vite compris l'état d'esprit du pays. Le président de cette formation, Rahul Gandhi, a pris la tête de la première grande manifestation dans la capitale la semaine dernière.

Lundi, Rahul Gandhi a tweeté qu'il y avait eu près de 20.000 viols d'enfants en Inde en 2016. Il a exhorté Narendra Modi à accélérer les poursuites "s'il veut vraiment rendre justice à nos filles".

Dans l'Etat du Gujarat, d'où est originaire le Premier ministre, des informations à propos d'un autre cas de viol et tortures sur mineur suivi de meurtre ont été révélées.

Le cadavre d'une fillette a été retrouvé près d'un terrain de cricket à Surat il y a une semaine. Son corps portait 86 marques de blessures et mutilations. Les médecins estiment que l'enfant était âgée de 12 ans, selon la police.

Face au tollé grandissant, Narendra Modi a assuré vendredi que les coupables ne seraient pas protégés, mais il a été critiqué pour ne pas avoir pris la parole plus tôt.

Avant son départ pour une visite officielle en Europe cette semaine, le Premier ministre a reçu une lettre de 50 anciens chefs de police, ambassadeurs et hauts fonctionnaires critiquant sa réaction mitigée.

"La bestialité et la barbarie constatées dans le viol et le meurtre d'une enfant de huit ans montrent la profondeur de la dépravation dans laquelle nous sommes plongés", ont déclaré ces anciens responsables.

"Dans l'Inde post-Indépendance, c'est notre heure la plus sombre. Nous trouvons la réponse de notre gouvernement et des dirigeants de nos partis politiques inadéquate et faible."

Les anciens responsables se déclarent sans affiliation politique et disent vouloir défendre les valeurs de la Constitution laïque de l'Inde qui garantit des droits égaux à tous les citoyens.

Certains des signataires se sont également exprimés dans le passé contre le parti nationaliste hindou du Premier ministre qu'ils accusent d'attiser l'hostilité envers les 172 millions de musulmans indiens.

(Avec Suchitra Mohanty à New Delhi; Danielle Rouquié pour le service français)