Nouvelles concertations sur la réforme des retraites

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Nouvelles concertations sur la reforme des retraites[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - Le gouvernement a ouvert lundi une nouvelle série de concertations sur la réforme des retraites, chantier potentiellement explosif qui pourrait exacerber les tensions sur un front social déjà alourdi par la contestation.

Le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, recevra dans les deux prochaines semaines les partenaires sociaux pour écouter leurs revendications au sujet de cette réforme visant à harmoniser les 42 régimes existants.

Il avait déjà entrepris une série de rencontres en novembre et en décembre dernier pour faire un premier bilan sur les défis posés par ce système qu'il qualifie de "complexe, inéquitable, et peu lisible".

La CFDT a ouvert le bal ce lundi. Force ouvrière, l'UNSA (qui est représentative dans la fonction publique) et la FNSEA (qui représente les agriculteurs) seront reçues cette semaine; la CFTC, CFE-CGC, CGT, CPME, Medef et U2P la semaine prochaine.

Emmanuel Macron a annoncé en janvier que cette réforme, initialement attendue mi-2018 et qui sera portée par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ne serait dévoilée qu'en 2019.

Il a rappelé dimanche lors d'une interview sur BFM TV, RMC et Mediapart, son attachement à un système de retraite par répartition, disant croire en une "solidarité intergénérationelle" qui fait la "cohésion du pays".

"Ce que nous allons revisiter, c'est l'injustice du système de retraite dans lequel nous vivons qui fait que nous avons près d'une quarantaine de systèmes de retraite qui cohabitent qui sont le fruit d'une sédimentation du passé", a-t-il dit.

Il ajoute se donner un horizon de dix ans pour avoir en bout de ligne "un système beaucoup plus transparent" et "équitable".

Il s'était engagé pendant sa campagne à unifier les régimes de retraite sans toucher à l'âge légal de départ, fixé à 62 ans, ni aux règles pour ceux qui sont à cinq ans de l'âge de départ.

SUJET "CRITIQUE"

Pour l'ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie, la réforme des retraites, c'est le "sujet fédérateur entre tous des mécontentements".

Elle pourrait donc facilement mettre le feu aux poudres dans un contexte ou le climat social est déjà exacerbé par la grève intermittente des cheminots ainsi que la grogne des fonctionnaires, des retraités et des étudiants.

Les différentes tentatives de réforme ont donné lieu à d'importants mouvements sociaux et manifestations massives, notamment en 1995 sous Alain Juppé, en 2003 sous François Fillon et en 2010 sous Nicolas Sarkozy.

Pour Annick Fayard, négociatrice pour l'UNSA, il est temps de "connaître la trajectoire" de cette réforme. Sous couvert de "ranger" et de mettre de l'ordre dans le système, elle craint qu'Emmanuel Macron ne veuille "faire des économies", ce qui entraînerait une diminution des pensions.

Le négociateur de FO, Philippe Pihet, redoute pour sa part que la réforme ne touche à la solidarité, logique qui permet d'avantager les pensions les plus faibles.

Si l'on modifie la règle des 25 meilleures années - base de calcul qui permet de fixer le montant des pensions d'un salarié - pour l'élargir à l'ensemble des années de carrière, on risque de pénaliser surtout les femmes, ajoute-t-il.

La CFDT et la CFTC disent pour leur part attendre beaucoup de cette réforme.

"Il y a un chantier d'équité qui était à mener", a déclaré à Reuters Frédéric Sève, de la CFDT. "Si on parvient à un système universel de retraites qui ne pénalise pas et qui tient compte des polypensionnés (personnes qui ont cotisé auprès de plusieurs caisses de retraites différentes au cours de leur carrière, ndlr), c'est très bien".

Dans le constat qu'il fait du système actuel et qu'il a partagé avec les partenaires sociaux la semaine dernière, Jean-Paul Delevoye pointe effectivement du doigt les inégalités chez les actifs qui cotisent à différents régimes (secteur privé et fonction publique, par exemple).

Pour Frédéric Sève, l'embrasement social pourrait être évité si le gouvernement parvient à "donner du sens à la réforme" et ne se cantonne pas à une "réforme paramétrique", c'est-à-dire destiné à réaliser des économies.

(Edité par Yves Clarisse)