France : L'aide aux énergies renouvelables à nouveau épinglée

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(Crédits : Christian Hartmann)

PARIS (Reuters) - La Cour des comptes appelle à une plus grande cohérence dans le coûteux soutien public aux énergies renouvelables (EnR) déplorant que, malgré les efforts entrepris, il y ait "un décalage persistant" au regard des objectifs affichés.

Dans un rapport publié mercredi pour le compte de la commission des Finances du Sénat, la Cour prolonge les critiques de ses précédentes études sur le sujet, la dernière en 2013.

Les aides de l'Etat en faveur des EnR, sous forme de subventions ou avantages fiscaux, se sont élevées à 5,3 milliards d'euros en 2016, un montant qui pourrait monter jusqu'à 7,5 milliards en 2023 si les objectifs de hausse de production sont atteints, souligne-t-elle.

Leur part dans la consommation finale d'énergie s'élevait à 15,7% fin 2016 contre 9,2% en 2005.

Le Grenelle de l'environnement de 2008 s'est donné pour ambition de la porter à 23% en 2020 puis la loi de Transition énergétique à 32% pour cette fois 2030, avec une part du nucléaire qui reviendrait entre temps à 50% en 2025, un objectif que le gouvernement a reconnu depuis inatteignable.

Face à ces évolutions, la Cour estime qu'il conviendrait "de définir une stratégie énergétique cohérente entre les objectifs de production d'EnR et l'objectif de réduction de la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique."

Au passage, elle déplore que "faute d'avoir établi une stratégie claire et des dispositifs de soutien stables et cohérents", le tissu industriel français ait peu profité du développement des EnR et que la France ne soit pas parvenue à se doter de champions européens dans ce secteur.

La Cour des comptes met en cause également la cohérence des aides de l'Etat, concentrées pour l'essentiel (4,4 milliards d'euros) sur les EnR électriques, alors que 567 millions seulement vont vers les EnR thermiques, qui représentent pourtant 60% de la production nationale.

DES TARIFS GARANTIS TRÈS COÛTEUX

"Le soutien à ces énergies est d'autant plus nécessaire que leur développement est obéré par des freins importants, en particulier la tendance baissière des prix des énergies fossiles, qui crée un écart des compétitivité que le niveau actuel de la taxe carbone ne compense pas", juge-t-elle.

S'agissant des EnR électriques, elle relève que le choix initial de l'Etat de recourir à des tarifs garantis a coûté cher : les charges contractées à la suite de décisions prises avant 2011 représentent près des deux tiers du volume annuel de soutien supporté aujourd'hui par les finances publiques.

Les aides de l'État se sont avérées en outre "disproportionnées" par rapport à la contribution de certaines filières aux objectifs de développement des EnR. C'est le cas du photovoltaïque, pour lequel les garanties accordées avant 2011 représenteront 2 milliards d'euros par an jusqu'en 2030, "pour un volume de production équivalent à 0,7% du mix électrique."

Le rapport de la Cour des comptes a été préparé avant que l'Etat ne décide de renégocier les contrats des éoliennes en mer. Il souligne que la "pleine réalisation" des appels d'offres lancés en 2011 et 2013 aurait coûté aux finances publiques deux milliards d'euros chaque année pendant 20 ans pour un volume de seulement 2% de la production électrique.

Pour éclairer les décisions publiques à l'avenir, la Cour des comptes considère "indispensable de calculer et révéler le coût complet du mix énergétique programmé et les soutiens publics induits, et d'asseoir les décisions de programmation énergétique sur ces informations."

Elle appelle de ses voeux "une stratégie de développement plus concertée", associant plus le Parlement, et juge souhaitable que les choix gouvernementaux "soient éclairés par les travaux d'un comité associant l'ensemble des parties prenantes à la stratégie énergétique et qui, à l'image du Conseil d'orientation des retraites, pourrait réaliser des scenarii prospectifs."

(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)