Courriels de Clinton : L'ex-patron du FBI "s'est écarté" des procédures

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Rapport attendu sur le fbi et les courriels de clinton[reuters.com]
(Crédits : Aaron Bernstein)

par Sarah N. Lynch et Mark Hosenball

WASHINGTON (Reuters) - L'ancien directeur du FBI James Comey a commis une "sérieuse erreur de jugement" en annonçant quelques jours avant l'élection présidentielle américaine de novembre 2016 la réouverture de l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton, estime l'inspecteur général du département américain de la Justice dans son rapport publié jeudi.

Cependant, Michael Horowitz écrit aussi dans les conclusions de son rapport long de 500 pages que rien ne prouve que les motivations de James Comey étaient politiques et qu'il ait voulu influencer l'élection présidentielle.

L'ex-directeur du FBI, limogé depuis par Donald Trump, s'était à l'époque attiré les critiques des républicains puis des démocrates, qui estimaient que sa gestion de l'enquête du FBI avait influencé la campagne électorale.

James Comey a ensuite dirigé l'enquête sur l'ingérence présumée de la Russie dans l'élection présidentielle américaine et les liens présumés entre l'équipe de campagne de Trump et Moscou. Donald Trump, qui a nié toute collusion, l'a limogé en mai 2017 et n'a cessé depuis de le critiquer.

Pour Hillary Clinton, candidate démocrate face à Trump en novembre 2016, cette affaire des courriels et sa gestion par le FBI a contribué à sa défaite.

James Comey a déclaré jeudi dans une tribune au New York Times ne pas être d'accord avec toutes les conclusions du rapport, mais a ajouté qu'il respectait le travail de l'inspecteur général.

Le rapport de Michael Horowitz le critique sèchement pour s'être écarté des procédures du département de la Justice et l'accuse d'avoir usurpé l'autorité de l'Attorney General (ministre de la Justice) Loretta Lynch en annonçant en juillet 2016 qu'aucune charge ne serait retenue contre Clinton.

"NÉGLIGENCE EXTRÊME", DISAIT COMEY

Le rapport découle d'une enquête ouverte environ une semaine avant l'arrivée de Trump à la Maison blanche en janvier 2017.

L'investigation avait pour enjeu principal de déterminer si les déclarations publiques de Comey pendant la campagne présidentielle sur l'utilisation par Clinton d'une messagerie privée lorsqu'elle était secrétaire d'Etat (2009-2013) ont bien été conformes aux procédures.

"Même si nous n'avons pas établi que ces décisions étaient le résultat d'un parti pris politique de la part de Comey, nous avons néanmoins conclu qu'en s'écartant si clairement et de façon si spectaculaire des normes du FBI et de celles du département (ministère), elles ont eu un impact négatif sur le FBI et le département de la Justice", déclare Horowitz dans les conclusions du rapport.

En juillet 2016, quelques semaines avant l'investiture d'Hillary Clinton, James Comey avait déclaré que l'ex-secrétaire d'Etat avait fait preuve de "négligence extrême" en utilisant un serveur de messagerie privé lorsqu'elle dirigeait la diplomatie américaine mais, estimant ne pas disposer d'éléments suffisants pour l'accuser d'infraction fédérale, avait recommandé qu'elle ne soit pas poursuivie.

Mais le 28 octobre 2016, à onze de l'élection, Comey avait envoyé aux membres du Congrès une lettre annonçant que l'enquête avait été rouverte après la découverte de nouveaux emails sur l'ordinateur de l'ancien représentant Anthony Weiner, époux d'Huma Abedin, une proche conseillère de Clinton.

"LE FBI A PORTÉ ATTEINTE À CLINTON ET

CONTRIBUÉ À ÉLIRE TRUMP"

Deux jours avant l'Election Day du 8 novembre, Comey avait finalement annoncé que le FBI n'avait trouvé aucun nouvel élément susceptible d'incriminer Hillary Clinton.

Mais pour les démocrates, il ne fait doute que le mal est fait et que l'initiative du directeur du FBI a contribué à semer le doute sur la probité de leur candidate, régulièrement taxée de "crook" (escroc) par Trump, et à lui faire perdre des voix essentielles lors de la présidentielle.

La candidate elle-même lui a attribué une large part de sa défaite. "Onze jours avant l'élection. Cela a agité le spectre d'une réouverture de l'enquête. Ça a brisé mon élan", écrit-elle dans ses mémoires parues en septembre dernier.

Pour John Podesta, qui dirigeait l'équipe de campagne de Clinton, le rapport Horowitz "démontre sans nul doute possible" que l'ex-directeur Comey s'est montré injuste envers la candidate démocrate en révélant qu'il relançait l'enquête sur ses courriels tout en passant sous silence une autre enquête, ouverte en juillet 2016 et concernant les liens entre l'équipe de campagne de Trump et la Russie.

"Ce rapport confirme ce que nous savions depuis longtemps: à savoir que le FBI a appliqué de manière inappropriée une règle des deux poids, deux mesures aux investigations sur Clinton et Trump, ce qui lui a porté atteinte, à elle, et contribué à l'élire, lui", a-t-il dit à Reuters.

Dans le camp Trump, des proches du président ont laissé entendre qu'ils se serviraient du rapport Horowitz pour étayer leurs reproches concernant la manière dont Comey, jusqu'à son limogeage, a dirigé l'enquête russe.

FUITES

L'enquête de Michael Horowitz avait également pour but de vérifier si des employés du FBI ont fait fuiter des informations à propos d'investigations concernant la Clinton Foundation, dans le but d'aider son rival républicain.

Selon des enquêteurs, ces informations ont été transmises à l'ancien maire de New York Rudolph Giuliani, alors conseiller de l'équipe de campagne de Trump. Giuliani est aujourd'hui l'avocat de Trump dans l'enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l'ingérence de la Russie dans la présidentielle de 2016.

Le rapport Horowitz avait enfin pour objectif d'examiner le rôle de deux agents du FBI, Peter Strzok et Lisa Page, que les républicains accusent de partialité anti-Trump depuis la découverte de milliers de SMS envoyés de leurs téléphones portables professionnels.

Même si certains messages visaient l'actuel président américain, d'autres ciblaient des élus du Congrès parmi lesquels le sénateur Bernie Sanders, adversaire de Hillary Clinton lors de la primaire démocrate.

Strzok participait à l'enquête de Robert Mueller et il a également joué un rôle essentiel dans l'enquête sur les courriels de Clinton. Robert Mueller l'a retiré l'été dernier de l'"enquête russe" après avoir été informé de l'existence des SMS par Horowitz.

Le rapport de l'inspecteur général du département de la Justice a été présenté aux présidents des commissions du Congrès concernées avant d'être rendu public.

(Jean-Stéphane Brosse, Guy Kerivel et Jean Terzian pour le service français, édité par Henri-Pierre André)