Ghouta : L'Onu accuse Damas de crimes contre l'humanité, les rebelles de crimes de guerre

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Ghouta: l'onu accuse damas de crimes contre l'humanite, les rebelles de crimes de guerre[reuters.com]
(Crédits : Ali Hashisho)

GENEVE (Reuters) - L'offensive sur la Ghouta orientale, bastion que contrôlaient les rebelles syriens à la périphérie de Damas, a donné lieu à des crimes de guerre de part et d'autre, rapportent mercredi des enquêteurs de l'Onu.

Les forces pro-gouvernementales syriennes, ajoutent-ils, ont commis en outre des crimes contre l'humanité en assiégeant l'enclave et en "affamant délibérément" 265.000 de ses habitants.

La Ghouta orientale, qui était assiégée depuis avril 2013, a été reprise mi-avril par l'armée syrienne et les forces alliées au régime de Bachar al Assad. L'offensive, lancée deux mois plus tôt, a fait 1.600 morts parmi la population civile, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Le rapport de la commission d'enquête de l'Onu sur la Syrie, dirigée par Paulo Pinheiro, se fonde sur 140 interviews et sur l'examen de clichés satellite, de photos, de vidéos et d'archives médicales.

Les enquêteurs notent que le siège contre la Ghouta orientale a été "le plus long de l'histoire moderne" (Sarajevo avait été assiégée un peu moins de quatre ans durant la guerre de Bosnie).

Les forces pro-gouvernementales "ont constamment épuisé à la fois les combattants et les civils par une guerre d'usure prolongée", ajoutent-ils, dénonçant "une forme médiévale de guerre".

Pour ce qui est de l'offensive proprement dite (février-avril 2018), l'équipe de Pinheiro souligne que la stratégie suivie par les forces bacharistes a été "largement illégale par nature, visant à punir les habitants de la Ghouta orientale et à contraindre la population, collectivement, à se rendre ou à mourir de faim".

"Par les bombardements étendus et systématiques de zones habitées par des civils, et le refus constant de laisser passer des vivres et des médicaments vers les civils assiégés (...), les forces pro-gouvernementales ont commis le crime contre l'humanité d'actes inhumains provoquant de graves souffrances mentales et physiques", peut-on lire dans le rapport.

La commission mentionne aussi les attaques aériennes contre des hôpitaux. "Ce type d'attaques suggère fortement que les forces pro-gouvernementales ont systématiquement ciblé des installations médicales, commettant un crime de guerre répété en attaquant délibérément des sites protégés et en attaquant intentionnellement le personnel médical", écrivent les enquêteurs.

"ACTES BRUTAUX DE REPRÉSAILLES"

Du côté des rebelles, qui comptaient dans l'enclave assiégée quelque 20.000 combattants dont une partie appartenant à des "groupes terroristes", la commission d'enquête de l'Onu met en cause les tirs d'artillerie contre des quartiers de Damas qui ont tué ou mutilé des habitants.

"Même si les forces pro-gouvernementales bombardaient et affamaient la population civile de la Ghouta orientale pour la soumettre, il ne peut y avoir de justification au bombardement indiscriminé de quartiers habités par des civils dans Damas", indique Hanny Megally, enquêteur égyptien de la commission, dans un communiqué.

Les attaques gouvernementales étaient "régulièrement suivies d'actes brutaux de représailles", notent les enquêteurs qui pointent l'utilisation par les rebelles de roquettes improvisées sur des quartiers de Damas visant à "répandre la terreur".

Ils relèvent aussi des arrestations et des actes de tortures pratiqués par des membres des groupes Jaïch al Islam, Faylak al Ahman, Ahrar al Cham et Hayat Tahrir al Cham sur des membres de groupes religieux minoritaires.

Par ailleurs, les experts de l'Onu citent des éléments prouvant que du chlore a été utilisé à quatre reprises au moins cette année dans la Ghouta, mais ils précisent que leur enquête sur ce point se poursuit.

(Stephanie Nebehay; Henri-Pierre André pour le service français)