Turquie : Erdogan et son parti grands vainqueurs des élections

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Erdogan revendique sa victoire et celle de son parti[reuters.com]
(Crédits : Umit Bektas)

par Tuvan Gumrukcu et Nevzat Devranoglu

ANKARA (Reuters) - Recep Tayyip Erdogan a remporté dimanche l'élection présidentielle en Turquie avec 53% des voix, à l'issue du plus grand défi électoral qu'il ait eu à relever en quinze années de pouvoir.

Lors du scrutin législatif organisé parallèlement, son parti islamo-conservateur AKP et ses alliés nationalistes du MHP ont obtenu la majorité absolue au Parlement, avec respectivement 42,5 et 11% des voix.

A 64 ans, le dirigeant le plus populaire mais aussi le plus clivant de l'histoire moderne de la Turquie a promis de continuer de transformer ce pays de 81 millions d'habitants qu'il est assuré de diriger au moins jusqu'en 2023, date du centenaire de la fondation de la République turque par Mustafa Kemal.

Il aura des pouvoirs renforcés prévus par la réforme constitutionnelle sanctionnée par un référendum l'an dernier.

"Il est hors de question pour nous de tourner le dos au pays que nous avons façonné, en termes de démocratie comme en termes économiques", a dit Erdogan dans son discours de victoire dimanche soir.

Son concurrent le plus sérieux à la présidentielle, Muharrem Ince, du CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) a recueilli 31% des voix.

Muharrem Ince a reconnu lundi sa défaite mais a jugé le scrutin "injuste". Il a estimé que le pays s'engageait dans une voie politique dangereuse où le pouvoir est aux mains d'un seul homme.

"ENTRAVES AUX LIBERTÉS FONDAMENTALES", DIT L'OSCE

Le candidat kémaliste a accepté les résultats de la présidentielle en faisant remarquer qu'il n'y avait pas de gros écarts entre les chiffres officiels et ceux recueillis par son propre parti. Le CHP et les organisations internationales de défense des droits se sont plaints des conditions inégales réservées à certains durant la campagne électorale.

Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont estimé que les conditions de la campagne n'avaient pas été équitables.

"Les entraves aux libertés fondamentales que nous avons constatées ont eu un impact sur ces élections et j'espère que la Turquie lèvera ces restrictions dès que possible", a déclaré lundi Ignacio Sanchez Amor, chef de la mission.

Les observateurs de l'OSCE se sont cependant félicités de la forte mobilisation des électeurs qui ont, selon eux, ainsi démontré leur attachement à la démocratie. La participation a atteint 87%.

Sur la base de résultats encore provisoires, l'AKP et le MHP devraient détenir 343 sièges sur les 600 que compte le parlement (293 pour l'AKP et 50 pour les nationalistes).

Le CHP, principale formation de l'opposition laïque, en aura 146 (23% des voix), tandis que le HDP (Parti démocratique des peuples, prokurde), qui avec près de 12% a réussi à franchir le seuil des 10% des voix nécessaire pour avoir des élus, comptera 67 députés et le parti nationaliste Iyi 44.

"Dès demain, nous allons commencer à travailler pour réaliser les promesses que nous avons faites au peuple", a dit Erdogan dimanche soir. Il a également promis que les autorités turques qui ont mené la répression depuis le coup d'Etat manqué de juillet 2016 allaient poursuivre leur lutte contre les organisations terroristes.

POUVOIRS RENFORCÉS

Il a enfin annoncé que l'armée allait poursuivre son travail de libération de territoires syriens afin que les quelque 3,5 millions de réfugiés qui se trouvent sur le sol turc puissent rentrer chez eux.

"Notre peuple nous a confié la tâche d'assumer les fonctions présidentielle et exécutives. J'espère que personne n'essaiera de semer le doute sur les résultats et de nuire à la démocratie pour masquer son propre échec", a déclaré le chef de l'Etat sortant dans une brève allocution, prononcée alors que le dépouillement se poursuivait.

L'élection présidentielle était lourde d'enjeux, dans la mesure où Erdogan va disposer de pouvoirs élargis, en vertu de la réforme constitutionnelle adoptée l'an dernier dans le cadre d'un référendum très serré.

En convoquant des élections anticipées plus d'un an avant l'échéance normale, Recep Tayyip Erdogan a paru dans un premier temps déstabiliser ses adversaires, mais la candidature de Muharrem Ince a relancé l'opposition.

Les détracteurs d'Erdogan, ainsi que l'Union européenne à laquelle la Turquie souhaite toujours adhérer, l'accusent d'avoir exploité le putsch manqué de juillet 2016 pour museler l'opposition.

La Commission européenne a souhaité lundi qu'Erdogan "demeure un partenaire de l'Union engagé sur les grandes questions d'intérêt commun comme les migrants, la sécurité, la stabilité régionale et la lutte contre le terrorisme".

(Avec les bureaux de Reuters en Turquie; Bertrand Boucey, Jean-Philippe Lefief, Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)