Le Lutetia veut attirer rive gauche les clients des palaces

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Le lutetia veut attirer rive gauche les clients des palaces[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

par Pascale Denis et Dominique Vidalon

PARIS (Reuters) - Le Lutetia, qui s'apprête à rouvrir après plus de quatre ans de travaux, tentera de convertir les touristes de retour en France à la rive gauche parisienne, dans un contexte devenu porteur mais très compétitif pour l'hôtellerie de grand luxe.

S'il obtient le label "palace", le Lutetia sera l'unique établissement de cette catégorie situé sur la rive gauche, alors que ses concurrents se concentrent de l'autre côté de la Seine, non loin des Champs Elysées pour la plupart d'entre eux.

Malgré une explosion de l'offre dans l'hôtellerie parisienne ultra haut de gamme, le Lutetia estime avoir sa carte à jouer.

"Nous bénéficions d'une localisation unique et il y a une attractivité de plus en plus importante pour la rive gauche", a déclaré à Reuters Jean-Luc Cousty, directeur général du Lutetia.

"Il y a un lien émotionnel avec un lieu très parisien qui reflète un certain art de vivre", ajoute-t-il.

Construit en 1910 par les Boucicaut - fondateurs du Bon Marché - pour la clientèle de province venant faire ses courses à Paris, l'hôtel Art nouveau a accueilli des clients aussi célèbres que Picasso, Matisse, Gide ou Hemingway.

Racheté en 2010 par le groupe israélien Alrov pour 130 millions d'euros, sa restauration évaluée à 200 millions d'euros et dirigée par l'architecte Jean-Michel Wilmotte a propulsé l'ancien hôtel quatre étoiles dans la catégorie du grand luxe.

Le nombre de chambres au décor sobre a été réduit à 137 et leur prix moyen est passé de 300 à 900 euros. Parmi les 47 suites, la "présidentielle" est proposée à 19.000 euros.

Le sous-sol a été creusé pour accueillir un spa et une piscine de 17 mètres éclairée par la lumière naturelle.

Cette réouverture intervient dans un marché de l'hôtellerie de luxe porté par la reprise des flux touristiques mais dont l'explosion des capacités risque de brider les taux de remplissage, pendant un temps du moins.

"CLIGNOTANTS AU VERT"

Sur le front de la demande, "tous les clignotants se sont vraiment remis au vert", souligne Gwenola Donet, directrice France du cabinet JLL Hotels & Hospitality.

Les effets des attentats s'atténuent avec le temps, il y a une certaine accoutumance à l'insécurité et Paris retrouve une sorte de superbe, note-t-elle.

"La question, c'est maintenant d'absorber le choc d'offre."

Alors que Paris comptait sept palaces historiques en 2008, ils seront une douzaine en 2020.

Le Shangri-La, le Mandarin Oriental et le Peninsula sont venus réveiller un secteur jusque-là peu bousculé par la concurrence.

L'iconique Ritz a rouvert à l'été 2016, tandis que le Cheval Blanc est attendu en 2020 dans l'ancienne Samaritaine, propriété de LVMH. Le Bulgari, dernier établissement du joaillier italien - également détenu par LVMH - devrait lui aussi ouvrir en 2020, avenue Georges V.

Entre 2008 et 2020, l'offre de grand luxe - hors Lutetia - aura augmenté de plus de 70%, selon les chiffres de JLL.

"Cette très belle hôtellerie va créer une demande supplémentaire mais il faut du temps, bien sûr", note Jean-Luc Cousty.

Il estime que le Lutetia devrait pouvoir rapidement atteindre un taux d'occupation d'environ 50% à 55%, puis 65% à 70% à moyen-long terme.

Il mise pour cela sur les Américains, "qui connaissent la rive gauche et viennent régulièrement à Paris" et devraient représenter plus de la moitié de la clientèle, devant les Sud-Américains (Brésiliens, Mexicains) qui ont souvent fait des études à la Sorbonne ou à l'Alliance française.

Il se dit également assez confiant de "pouvoir conserver un socle de 10% de clientèle française", tandis que les marchés chinois et russes ne constitueront pas son "coeur de cible".

HAUSSE DU PRIX MOYEN

Gwenola Donet estime que le secteur ne retrouvera pas ses taux d'occupation (75%) d'avant 2008, compte tenu de la hausse de l'offre, mais table sur 65% d'ici trois ou quatre ans.

Après être tombé à 52% en 2016, année noire où les attentats ont fait fuir la clientèle étrangère fortunée, ce taux s'est redressé à 55% en 2017 grâce au retour des Américains et des Moyen-Orientaux, les deux premières clientèles des palaces.

Par ailleurs, les hausses de tarifs devraient se poursuivre, la clientèle de ces établissements hors norme étant peu sensible au prix.

Après des investissements colossaux, les palaces parisiens détenus par des investisseurs de très long terme comme le sultan de Brunei (Plaza) ou le prince saoudien Al-Walid (George V) auront pu entre 2008 et 2018, malgré la crise, les attentats et l'explosion de l'offre, faire passer leur tarif moyen de 800 à 1.100 euros la chambre.

La réouverture du Lutetia est prévue le 12 juillet. Celle de la célèbre brasserie art déco, attenante, en septembre.

(Edité par Dominique Rodriguez)