Londres appelle la Russie à fournir des détails sur le Novitchok

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(Crédits : Suzanne Plunkett)

par Henry Nicholls et Alex Fraser

AMESBURY, Angleterre (Reuters) - Les autorités britanniques ont exhorté jeudi la Russie à fournir des précisions sur le Novitchok, cet agent neurotoxique développé par l'armée soviétique pendant la guerre froide qui a fait deux nouvelles victimes en Grande-Bretagne.

D'après le ministre de l'Intérieur, Sajid Javid, les deux Britanniques hospitalisés le week-end dernier ont été exposés au même type de Novitchok que celui utilisé début mars lors de l'agression de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia.

Les autorités britanniques avaient alors accusé la Russie d'avoir empoisonné les Skripal, provoquant une crise diplomatique sans précédent entre Londres et Moscou depuis la fin de la Guerre froide. Plus de 100 diplomates russes avaient été expulsés de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et d'autres pays occidentaux. La Russie avait répliqué par des expulsions croisées.

"Il est inacceptable que nos compatriotes soient des cibles délibérées ou accidentelles", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Sajid Javid.

Le patron du Home Office a ajouté qu'il était trop tôt pour dire si on avait affaire au même lot de Novitchok mais a prévenu que si une implication de l'Etat russe était établie dans cette nouvelle affaire, Londres examinerait la possibilité de prendre de nouvelles mesures de rétorsion.

En début de matinée, Ben Wallace, ministre britannique de la Sécurité, avait enjoint aux Russes de fournir des précisions aux enquêteurs britanniques.

"La Russie pourrait rectifier le tir, elle pourrait nous dire ce qui s'est passé, ce qu'elle a fait et donner des réponses aux questions que nous nous posons encore", a-t-il déclaré jeudi matin au micro de la BBC.

"Ils (les Russes) sont ceux qui pourraient fournir toutes les clefs permettant de garantir la sécurité du public. J'attends un coup de fil de l'Etat russe", a-t-il ajouté.

La Russie, pays hôte de la Coupe du monde du football en cours, a démenti toute implication dans l'incident du mois de mars, laissant entendre qu'il avait été perpétré par les services de sécurité britanniques afin de provoquer un sentiment anti-russe.

Réagissant aux propos de Ben Wallace, le Kremlin a dit avoir proposé ses services dès l'attaque du mois de mars, rappelant avoir alors reçu une fin de non-recevoir de Londres. Moscou, qui se dit inquiet d'une nouvelle utilisation d'un agent innervant en Europe, a réitéré être nullement impliqué dans l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille.

EXPOSÉS APRÈS AVOIR MANIPULÉ UN OBJET CONTAMINÉ

Dawn Sturgess et Charlie Rowley, les deux nouvelles victimes âgées de 44 et 45 ans, ont été hospitalisés samedi dans un état critique après s'être trouvés mal à Amesbury, ville du sud de l'Angleterre située à une dizaine de kilomètres seulement de Salisbury.

Ils sont soignés dans le même établissement du district de Salisbury où Sergueï Skripal et sa fille ont passé plusieurs semaines dans un état critique avant de se rétablir peu à peu. Ioulia a quitté l'hôpital le 10 avril; son père le 18 mai.

Pour Sturgess et Rowley, la police avait d'abord émis l'hypothèse d'un possible effet lié à l'absorption d'héroïne ou de crack.

Mais les tests réalisés par le laboratoire de recherche militaire de Porton Down - situé dans le même secteur du sud-ouest de l'Angleterre - ont qu'ils avaient été empoisonnés au contact de cet agent innervant surpuissant développé dans les années 1970 et 1980.

La police britannique a annoncé en fin d'après midi jeudi que les deux victimes avaient été exposées au Novitchok accidentellement, après avoir manipulé un objet contaminé.

"Après des examens supplémentaires sur des échantillons des patients, nous sommes en mesure de dire qu'ils ont été exposés à l'agent innervant après avoir manipulé un objet contaminé", dit un communiqué de la police de Londres.

"Les enquêteurs travaillent aussi vite et consciencieusement que possible pour identifier la source de la contamination."

Les services de santé britanniques ont déclaré mercredi que le risque pour le public était faible. Mais on peut se demander, compte tenu de l'exposition de deux personnes apparemment sans rapport avec le monde du renseignement ni avec l'ex-Union soviétique, s'il y a encore des traces de l'agent neurotoxique dans la région.

Selon Andrea Sella, professeur de chimie à la University College de Londres, le Novitchok, qui ne se décompose pas facilement, a été conçu en effet pour avoir une durée de vie prolongée. "Cela veut dire qu'un conteneur ou toute autre surface contaminée par cet agent pourrait représenter un danger pendant un moment", a-t-il dit.

Le chercheur estime par conséquent qu'il est crucial de reconstituer les déplacements du couple pour identifier où ils ont pu se retrouver en contact avec l'agent neurotoxique.

L'ambassade russe aux Pays-Bas a écrit sur Twitter que la Grande-Bretagne était "idiote" de penser que la Russie était susceptible de se livrer à une nouvelle attaque au Novitchok en pleine Coupe du monde, où l'Angleterre et la Russie se sont toutes deux qualifiées pour les quarts de finale et pourraient se rencontrer en demies.

(avec Sarah Young, Kate Holton et Kate Kelland à Londres et Andrey Ostroukh et Andrew Osborn à Moscou; Benoit Van Overstraeten, Henri-Pierre André et Arthur Connan pour le service français)