Une étude invite à rééquilibrer les rapports fisc-contribuables

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PARIS (Reuters) - La décennie écoulée a été marquée par un déséquilibre croissant entre les pouvoirs de l'administration fiscale et les droits des contribuables, selon une étude d'EY Société d'Avocats à paraître jeudi, qui invite les pouvoirs publics à restaurer la balance.

"Il ne s'agit pas pour nous de renverser la table mais d'attirer l'attention sur le fait qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir" pour "incarner véritablement l'esprit qui prévalait dans le projet de loi sur une société de confiance", a déclaré à Reuters Jean-Pierre Lieb, l'un des trois auteurs.

Ce texte constitue un effort "réel mais encore modeste" dans la prise de conscience que "tout le monde ne cherche pas forcément à frauder ou à échapper à l'impôt mais que beaucoup de gens peuvent en toute bonne foi faire des erreurs", dit-il.

Selon l'analyse qu'il a menée avec ses deux confrères, cette tentative de rééquilibrer les droits des contribuables par rapport aux pouvoirs de l'administration reste en l'état de l'ordre de l'"illusion d'optique" au vu de la dissymétrie qui s'est creusée au cours des dix dernières années.

"Seuls 13% des 103 mesures de procédure fiscale qui ont été votées depuis 2008 ont été des mesures en faveur des droits des contribuables, une immense majorité des dispositions l'ont été au soutien de l'administration fiscale", note Jean-Pierre Lieb.

ÉVOLUTION À SENS UNIQUE

Ce renforcement "légitime et fondé" des pouvoirs d'investigation et de sanction accordés à l'administration fiscale s'est inscrit dans un contexte international marqué par une prise de conscience croissante des Etats de la nécessité de mieux lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscales.

"En 2008, la crise a conduit les Etats à se rendre compte que leurs budgets étaient fragiles et que leurs rentrées fiscales constituaient un enjeu crucial", précise Jean-Pierre Lieb.

Et depuis la succession des révélations de type "Luxleaks", "Panama Papers" et "Paradise papers" ont également contribué à accentuer la tendance du renforcement des arsenaux de lutte contre la fraude, à l'échelle nationale et internationale.

Mais parallèlement, "on a quasiment complètement occulté le fait que l'on pouvait aussi faire des progrès en matière de sécurité, de confiance et d'équilibre des pouvoirs en matière de protection du contribuable" d'autant plus que l'environnement fiscal est devenu plus complexe, souligne-t-il.

Pour "revisiter ou au moins aménager" la législation, les trois auteurs soumettent donc 37 propositions décrites comme "raisonnables, compréhensibles, consensuelles et acceptables par l'administration" dans une logique "gagnant-gagnant, à la fois pour les contribuables mais également pour la collectivité, l'administration et les finances publiques".

Ils invitent par exemple à davantage de transparence, en suggérant à l'administration fiscale de communiquer des statistiques sur son activité, notamment en matière de contrôle, ou encore à autoriser le recours à l'expertise d'un tiers indépendant pour l'établissement de faits lors d'un contrôle.

SANCTION VERSUS TRANSPARENCE

Ils proposent également à l'administration de n'effectuer des redressements en matière de TVA que dans les cas où le Trésor public a effectivement subi un manque à gagner.

L'idée sous-tendant la plupart de ces suggestions est que si "la sanction ou la peur du bâton est un moyen de parvenir au civisme fiscal maximum, rassurer, accompagner, éclairer, être transparent représente un levier tout aussi efficace pour atteindre cet objectif commun", souligne Jean-Pierre Lieb.

Ces différentes propositions ont été transmises aux conseillers techniques en charge de la fiscalité à l'Elysée, à Matignon et à Bercy mais aussi à l'administration fiscale, aux membres des commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu'au défenseur des droits et au médiateur du ministère des Finances, a-t-il déclaré à Reuters.

Objectif: "que cette dimension un peu oubliée de l'équilibre entre pouvoir de l'administration et droit ou protection du contribuable" soit davantage intégrée dans les textes à l'ordre du jour du Parlement.

Le projet de loi "pour un État au service d'une société de confiance" - qui instaure un "droit à l'erreur" - sera examiné en nouvelle lecture au Sénat le 25 juillet.

Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, qui a été adopté la semaine dernière en première lecture au Sénat, devrait probablement être examiné par l'Assemblée nationale en septembre.

(Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)