Colombie : L'ancien chef de guerre des Farc devant le tribunal spécial

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par Helen Murphy

BOGOTA (Reuters) - Plusieurs rebelles démobilisés des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), dont leur ancien chef Rodrigo Londono, ont comparu vendredi devant un tribunal spécial (JEP) créé dans le cadre de l'accord de paix de 2016 pour juger des crimes commis durant la guerre civile.

Le JEP, fondé dans le cadre de l'accord de paix signé en 2016 entre le gouvernement de Bogota et le mouvement marxiste, va juger les cas considérés comme représentatifs des violences commises durant la guerre civile, sur la base d'enquêtes menées par les autorités et de témoignages de victimes.

La guerre civile colombienne, qui a duré cinq décennies, a fait plus de 220.000 morts ainsi que plusieurs millions de victimes et de déplacés.

Prévu pour fonctionner pendant au moins une quinzaine d'années, le JEP a pour but d'aider le pays à panser les blessures laissées par le conflit, en permettant aux proches des victimes de connaître la vérité sur des disparitions et de recevoir une indemnisation de la part des Farc - notamment en récupérant des terrains et des biens qui ont été volés.

Le tribunal spécial ne condamnera pas les éventuels coupables à des peines de prison traditionnelles mais infligera des sentences autres, comme des travaux d'intérêt général, pour des durées allant de cinq à huit années.

Le président élu Ivan Duque, qui succédera officiellement le 7 août au chef de l'Etat sortant Juan Manuel Santos, a promis durant la campagne électorale de revoir l'accord de paix qu'il juge trop favorable aux anciens guérilleros marxistes. Il veut notamment revenir sur l'amnistie accordée aux chefs des Farc.

Trois membres du secrétariat du mouvement, qui a changé de nom depuis l'accord de paix tout en conservant son acronyme pour s'appeler Force alternative révolutionnaire commune, ont comparu vendredi lors de la première audience du JEP : Rodrigo Londono, connu sous le nom de guerre de "Timochenko", Pablo Catatumbo et Carlos Lozada. Un quatrième ex-commandant, Jesus Santrich, participait à l'audience en visioconférence depuis une prison.

"PROFONDÉMENT ÉMU"

Il s'agit d'un "événement historique, qui constitue une étape fondamentale dans les efforts visant à mettre fin au conflit armé", a déclaré la magistrate du JEP, Julieta Lemaitre, lors de la session retransmise en direct sur internet.

Près de 7.000 combattants des Farc se sont démobilisés l'année dernière et plus de 4.600 d'entre eux ont déjà témoigné pour le JEP dans le cadre de l'accord de paix, qui avait été négocié dans la capitale cubaine La Havane.

"Je suis ici à votre disposition, profondément ému de voir comment ce rêve que nous avons tissé à La Havane s'est cristallisé", a déclaré Rodrigo Londono, désormais chef de file de la formation politique des Farc et qui s'était porté candidat à l'élection présidentielle avant de se retirer de la course.

Les 31 autres commandants des Farc convoqués à l'audience n'étaient pas présents et représentés par leurs avocats.

"Le pays ne sera plus jamais le même", a dit dans un communiqué le haut-commissaire colombien pour la paix, Rodrigo Rivera. "Cela a semblé impossible pendant 50 ans de voir les chefs des Farc se présenter devant le tribunal spécial."

Il est prévu que les anciens chefs des rebelles livrent devant le JEP des détails sur les enlèvements présumés et les disparitions qui ont eu lieu entre 1993 et 2012.

Selon le bureau du procureur général, 8.100 enlèvements ont été commis par les Farc durant cette période et les rançons leur auraient rapporté plus de 1,25 milliard de dollars (plus d'un milliard d'euros). Les rançons étaient, avec le trafic de drogue et l'extorsion, la principale source de revenus des Farc.

Les familles des victimes espèrent que le travail du JEP permettra d'obtenir des informations sur les lieux où peuvent être trouvés les dépouilles de certaines victimes.

"Cela montre que les Farc tiennent leur promesse et qu'ils sont disposés à avouer leurs crimes aux victimes", a dit Yolanda Pinto, à la tête de l'Unité gouvernementale des victimes, qui vient en aide à ceux touchés par la guerre civile.

(Jean Terzian pour le service français)