Helsinki : Mansuétude de Trump envers Poutine, tollé à Washington

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Debut du sommet trump-poutine a helsinki[reuters.com]
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par Jeff Mason et Denis Pinchuk

HELSINKI (Reuters) - Donald Trump a déclaré après son entretien avec Vladimir Poutine, lundi à Helsinki, ne pas avoir de raisons de croire davantage ses services de renseignement que le président russe sur la question d'une ingérence éventuelle de Moscou dans les élections américaines de 2016.

Les propos du président et son absence de la moindre critique envers la politique du Kremlin ont soulevé un tollé à Washington, y compris parmi les républicains, alors même que nombre de contentieux assombrissent depuis des années les relations américano-russes.

Donald Trump a tenu la "stupidité" de son propre pays pour unique responsable de la dégradation des relations américano-russes, dont il a estimé qu'elles n'avaient "jamais été aussi mauvaises".

Interrogé sur la question d'une ingérence russe dans la présidentielle américaine, Trump a affirmé que cette information lui avait été fournie par le chef de la CIA, mais qu'il n'avait aucune raison de la croire. "Le président Poutine a été extrêmement ferme et affirmatif dans son démenti aujourd'hui", a commenté Donald Trump.

Or, trois jours avant le sommet d'Helsinki, un grand jury américain avait inculpé 12 membres des services de renseignement russes pour avoir piraté les systèmes informatiques d'Hillary Clinton, candidate démocrate à la présidentielle de 2016.

L'attitude de Donald Trump à Helsinki a soulevé un tollé à Washington, y compris dans le camp républicain auquel il appartient, alors que la Maison blanche s'efforce depuis des mois de dissiper l'impression que le président n'a pas envie de s'opposer à Vladimir Poutine.

UNE "TRAGIQUE ERREUR"

John Brennan, ancien directeur de la CIA, a sans ambages estimé que l'attitude de Trump confinait à la trahison. "Non seulement les propos de Trump étaient imbéciles, mais il était totalement acquis à Poutine. Patriotes républicains, où êtes-vous??", s'est-il interrogé.

Le directeur du Renseignement national, Dan Coats, a répliqué à Donald Trump que la communauté américaine du renseignement avait été claire et nette sur la menace que représente l'ingérence politique de la Russie et qu'elle continuerait à "fournir des informations sans fard, objectives".

Paul Ryan, président républicain de la Chambre des représentants, a invité Donald Trump à comprendre que la Russie n'était pas l'alliée de Washington et a dit qu'il ne faisait aucun doute, à ses yeux, que Moscou s'était immiscé dans l'élection de 2016.

Le sénateur républicain John McCain, qui ménage rarement Donald Trump, a estimé que le sommet avec Poutine était une "tragique erreur" car, dit-il, le président américain "n'a pas défendu l'Amérique". Pour McCain, le sommet d'Helsinki restera comme un épisode peu glorieux dans l'histoire des présidents américains.

Deux sénateurs républicains ont eux aussi vivement réagi. Lindsey Graham, qui est membre de la commission des Forces armées, a estimé que les propos tenus par Donald Trump à la conférence de presse avec Poutine envoyaient aux Russes un signal de "faiblesse" des Etats-Unis.

Graham a parlé d'une "occasion manquée" pour Trump de demander résolument à la Russie des comptes pour les ingérences de 2016. "La réponse de Trump va être interprétée par la Russie comme un signe de faiblesse et va créer beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en résoud", a continué le sénateur.

DES PROPOS "HONTEUX"

Son collègue républicain Jeff Flake a jugé "honteux" les propos tenus par Donald Trump en présence de Poutine.

"Je ne pensais pas qu'un jour je verrais notre président imputer, aux côtés du président russe, la responsabilité de l'agression russe aux Etats-Unis. C'est une honte", a écrit Jeff Flake sur Twitter.

Les démocrates ne sont naturellement pas moins cinglants. Le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a fustigé l'attitude de Trump à la conférence de presse d'Helsinki, déclarant qu'il "renforçait nos adversaires tout en affaiblissant nos défenses et celles de nos alliés".

Il s'est prononcé en faveur d'efforts bipartisans pour "intensifier" les sanctions contre Moscou.

Adam Schiff, membre de la commission des renseignements de la Chambre des représentants, a estimé que, par ses déclarations, Donald Trump avait donné le "feu vert" à Poutine pour s'immiscer dans les élections de mi-mandat qui auront lieu début novembre.

"Flatter des dictateurs ne fait pas avancer les intérêts américains. Cela nuit à notre sécurité", a quant à lui a déclaré l'ancien vice-président Joe Biden

Donald Trump recevra mardi des représentants du Congrès, a fait savoir la Maison blanche, sans préciser lesquels ni l'objet de cet entretien. Il s'agit du seul événement inscrit ce jour-là à l'agenda du président, qui a dit avoir eu une discussion productive avec Vladimir Poutine lors du sommet.

"Si on veut résoudre un grand nombre des problèmes dans le monde, on doit trouver des moyens de coopérer", a-t-il dit lors de la conférence de presse.

Il a indiqué avoir abordé un grand nombre de questions cruciales pour les deux pays : la guerre en Syrie, l'Iran, le terrorisme et le contrôle des armes nucléaires, ainsi que la supposée ingérence russe dans les élections américaines de 2016.

"Nous avons fait les premiers pas vers un futur radieux, fondé sur la coopération et la paix", a déclaré le président américain. "Le refus de s'impliquer ne mènera à rien".

(Avec Steve Holland à Helsinki, Christian Lowe et Polina Devitt à Moscou; Jean Terzian, Guy Kerivel et Eric Faye pour le service français)