Le Canada s'interroge à son tour sur son rapport aux armes à feu

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(Crédits : Chris Helgren)

par Anna Mehler Paperny

TORONTO (Reuters) - Si elle n'atteint pas le niveau observé chez son voisin américain, la violence armée connaît au Canada un regain sensible et y provoque un débat sur le durcissement du contrôle de la vente des armes.

Mais les appels répétés en direction du gouvernement d'Ottawa afin qu'il encadre plus strictement la commercialisation des armes se heurtent à une réalité politique: deux millions de résidents canadiens disposent de permis de port d'arme et nul ne souhaite se priver de leurs bulletins de vote.

En 2016, selon les dernières statistiques connues, le Canada comptait 0,61 homicide lié à une arme à feu pour 100.000 personnes, une augmentation de 23% par rapport à 2015 et le taux le plus élevé depuis 2005, selon Statistique Canada.

Pour les États-Unis, l'Institute for Health Metrics and Evaluation de l'Université de Washington signale 3,85 décès pour 100.000 habitants cette année-là. Le niveau enregistré au Canada est toutefois près de dix fois supérieur à celui qui est observé au Royaume-Uni.

Vendredi, quatre personnes ont été abattues à Fredericton, dans l'est du pays. Quelques semaines auparavant, un homme a ouvert le feu dans une artère fréquentée de Toronto, tuant deux personnes et en blessant 13 autres avant de retourner l'arme contre lui.

UNE LOI A L'ETUDE

A Fredericton, l'enquête de la police a permis d'établir que le tireur présumé, qui a été arrêté, avait utilisé une arme d'épaule qu'il s'était légalement procurée.

Le gouvernement fédéral canadien a déposé au printemps un projet de loi qui exige des détaillants qu'ils "conservent certains renseignements relatifs à la cession d'une arme à feu sans restriction". Mais la fusillade de Toronto a incité de nombreux responsables à estimer que ce texte n'allait pas assez loin.

La municipalité de Toronto a ainsi réclamé l'interdiction des armes de poing et Bill Blair, ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, s'est dit ouvert à un aménagement de la législation.

"Il est possible que nous puissions travailler avec les provinces et les territoires et leur permettre de désigner certaines municipalités comme des endroits où les armes à feu ne peuvent être achetées ou détenues", a déclaré Bill Blair à Reuters.

Le projet de loi gouvernemental devrait être adopté à la Chambre des communes, où les Libéraux de Justin Trudeau disposent d'une majorité, mais il risque d'être plus âprement débattu au Sénat.

Ottawa ne se risquera toutefois sans doute pas à encadrer plus strictement la législation entourant la possession d'armes pour ne pas heurter les populations rurales où la chasse est un loisir populaire et où beaucoup d'agriculteurs possèdent des armes.

LOBBY DES ARMES

Pour en acheter une, les résidents canadiens doivent obtenir un permis et suivre une formation en matière de sécurité. Selon les autorités, plus de 2 millions de résidents canadiens disposent d'un permis de port d'arme sur une population totale de 36 millions d'habitants.

Il existe un registre national des armes de poing et d'autres types d'armes dont la possession est dite soumise à une autorisation restreinte ou prohibée. En 2012, le gouvernement du conservateur Stephen Harper a supprimé un autre registre qui concernait les armes d'épaules, une catégorie qui comprend les fusils de chasse. Présenté comme coûteux et peu efficace, il était également combattu par de nombreux possesseurs d'armes et d'électeurs conservateurs.

L'Association canadienne pour les armes à feu (NFA), un groupe de pression aux objectifs comparables à ceux de la National Rifle Association (NRA) américaine, a d'ores et déjà prévenu qu'elle combattrait le projet de loi gouvernemental et le Parti conservateur du Canada, principale force d'opposition, a déploré un texte qui traite les possesseurs d'armes à feu comme des criminels.

Blair Hagen, vice-président exécutif de la NFA, a déclaré lundi que son association, qui revendique 150.000 membres, était en contact avec le Parti conservateur et qu'elle espérait que la question des armes à feu devienne un enjeu électoral.

"C'est un sujet brûlant. Dès que vous y touchez, vous vous mettez dans une situation politique très compliquée", a-t-il prévenu.

(Nicolas Delame pour le service français)