Les recherches se poursuivent à Gênes avant les funérailles nationales

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Genes: les recherches continuent avant les funerailles nationales[reuters.com]
(Crédits : Stefano Rellandini)

par Ilaria Polleschi

GÊNES, Italie (Reuters) - Les secouristes continuaient vendredi de fouiller les décombres du viaduc autoroutier qui s'est effondré mardi à Gênes, alors que l'Italie se prépare à des funérailles nationales pour les victimes de la catastrophe.

L'espoir de retrouver des survivants, trois jours après la catastrophe, est minime. Mais les sauveteurs veulent encore croire que des gens sont peut-être bloqués dans des "poches de survie", formées entre plusieurs blocs de béton.

"Nous travaillons en synchronisation avec des équipes cynophiles et du matériel de terrassement", explique Stefano Zanut, un des pompiers mobilisés sur les lieux de la catastrophe.

"Nous créons des ouvertures dans les décombres par où les chiens renifleurs peuvent entrer", ajoute-t-il. "C'est un travail laborieux et lent qui prend beaucoup de temps."

Les secouristes, qui travaillent en continu depuis la catastrophe dans des conditions difficiles, n'ont pas encore dégagé toutes les voitures bloquées sous les décombres. Ils ont installé des senseurs pour déterminer si la structure effondrée est encore en mouvement.

Vendredi, les recherches ont été momentanément entravées par un dégagement de fumée s'élevant d'un brasier qui s'est déclaré parmi les blocs de béton et d'acier mais a été rapidement éteint.

Le bilan de l'effondrement du tronçon de 200 mètres du pont sur l'autoroute A10, précipitant dans le vide les véhicules d'une hauteur de 50 mètres, reste à 38 morts, mais cinq personnes sont toujours portées disparues, a annoncé vendredi l'agence de Protection civile. Le chiffre de 10 à 20 disparus était jusqu'alors évoqué.

Les funérailles de la plupart des victimes doivent avoir lieu samedi à 11h30 (09h30 GMT) au Centre des expositions de Gênes en présence du cardinal Angelo Bagnasco, du président de la République Sergio Mattarella et du président du Conseil Giuseppe Conte.

Mais certaines familles ont dit qu'elles boycotteraient l'événement et organiseraient elles-mêmes les funérailles de leurs proches, en signe de protestation contre les négligences à l'origine selon elles de l'accident.

DEUIL NATIONAL

Le gouvernement a déclaré samedi journée de deuil national.

Les funérailles nationales seront retransmises en direct à la télévision. La RAI, la radio-télévision publique, a annoncé qu'elle ne diffuserait aucune publicité en signe de respect pour les victimes.

Le président du Conseil, Giuseppe Conte, a annoncé vendredi soir que le gouvernement avait envoyé une lettre au groupe Autostrade per l'Italia pour l'informer qu'il avait engagé formellement le processus de révocation de sa concession autoroutière.

Certains membres du gouvernement avaient laissé entendre dans la journée que, plutôt que de se voir privée de sa concession, Autostrade pourrait finalement être sanctionnée d'une lourde amende. Mais les dirigeants des deux partis au pouvoir ont opté pour la ligne dure.

"Cette catastrophe nous oblige à prendre de nouvelles initiatives qui sont beaucoup plus rigoureuses que celles adoptées par les précédents gouvernements", explique Giuseppe Conte dans un communiqué.

Autostrade, qui gère 3.000 km d'autoroutes en Italie, dont l'A10 entre Gênes et la frontière française, doit tenir une réunion extraordinaire de son conseil d'administration mardi prochain, a-t-on appris vendredi. Sa maison mère, la société Atlantia, elle-même contrôlée par la famille Benetton, en fera de même le lendemain.

Une étude commandée l'an dernier par Autostrade avait mis au jour des problèmes de stabilité de l'ouvrage, a déclaré vendredi le directeur du département universitaire qui a réalisé cet audit, confirmant des informations de presse.

L'audit, effectué en novembre 2017 par des experts de l'Ecole polytechnique de Milan, a notamment mis en exergue l'état des haubans. "L'étude a mis en lumière une anomalie et a recommandé des investigations plus poussées en la matière", a dit Stefano Della Torre à Reuters.

LA DÉFENSE D'AUTOSTRADE

Aucun commentaire n'a pu être obtenu auprès de la direction d'Autostrade ou de sa maison-mère.

Mais dans un communiqué publié mercredi, Autostrade a affirmé que le pont Morandi faisait l'objet de contrôles trimestriels, ainsi que l'exige la loi.

Des vérifications supplémentaires au moyen d'équipements sophistiques ont été menés et des experts extérieurs consultés, ajoutait l'entreprise, notant encore que ces contrôles ont fourni des assurances suffisantes sur l'état de l'ouvrage.

"La rupture de l'un de ces haubans est une hypothèse de travail sérieuse", a déclaré Antonio Brencich, professeur à l'Université de Gênes et membre de la commission des transports chargée de déterminer les causes de l'accident. "Il y a des témoignages et des vidéos qui vont dans cette direction", a-t-il ajouté.

En Bourse, l'action Atlantia, qui a perdu plus de 20% depuis le drame, s'est légèrement reprise vendredi, clôturant la séance sur un gain de 5,55%.

Le gouvernement a parallèlement décrété cette semaine l'état d'urgence pour la capitale de la Ligurie, où plus de 600 habitants ont dû quitter leurs maisons situés à proximité du pont et ont été pris en charge dans des centres d'hébergement provisoire. Il faudra peut-être des mois pour les reloger définitivement.

La fermeture partielle de l'autoroute A10, qui relie Gênes au sud-est de la France, est aussi un frein pour l'activité économique de la grande ville portuaire. La circulation automobile est particulièrement compliquée, notamment dans le secteur de l'aéroport.

(avec Valentina Za et Stephen Jewkes à Milan et Philip Pullella à Rome; Danielle Rouquié, Henri-Pierre André et Tangi Salaün pour le service français)