Les réformes sociales de Macron freinées par les "Gilets jaunes"

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Les reformes sociales de macron freinees par les gilets jaunes[reuters.com]
(Crédits : Stephane Mahe)

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - Etat, assurance chômage et retraites : les prochains chantiers sociaux d'Emmanuel Macron devront être recalibrés pour éviter d'enflammer un climat rendu explosif par le mouvement des "Gilets jaunes", selon des analystes du milieu social.

"On est à un tournant. Il y avait un mouvement de réformes entrepris depuis un peu plus d'un an. Mais là on sent bien que l'opinion s'est braquée, à la fois sur la politique et le style du gouvernement", a dit à Reuters Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du cabinet de conseil Alixio. "Il faut qu'[Emmanuel Macron] reconquière la confiance pour repartir de l'avant."

Le mouvement des "Gilets jaunes", né d'une colère contre la hausse du prix du carburant qui s'est cristallisée autour du pouvoir d'achat, a forcé le gouvernement à prendre une série de mesures cette semaine allant de l'abandon de la taxe carbone à une hausse de la prime d'activité versée aux bas salaires.

Mais au-delà des mesures de court terme se pose maintenant la question de la capacité du gouvernement à maintenir le train de réformes, lui qui a déjà mené en 2018 la réforme du Code du travail, de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Emmanuel Macron a insisté lors de son intervention télévisée lundi sur la volonté de poursuivre les travaux sur l'assurance chômage, la réorganisation de la Fonction publique et les retraites, trois réformes très sensibles prévues en 2019.

Pour Raymond Soubie, le président de la République devra "réévaluer la situation et les dégâts" et "redéfinir un programme et un calendrier".

LA ZONE DANGEREUSE DES RETRAITES

La réforme des retraites, par exemple, qui vise à passer à passer d'un système en annuités avec des prestations déterminées à un système à points et donc des prestations "indéterminées" "peut perturber le mental de beaucoup de salariés", juge-t-il.

"Aujourd'hui les salariés ne s'en soucient pas car on en est à des discussions générales, on en est aux prémices, mais quand les sujets vont apparaître, on rentrera dans des zones dangereuses", dit-il.

Les tentatives de réformes ambitieuses ont donné lieu à des mouvements sociaux d'ampleur qui ont parfois entraîné leur abandon, notamment en 1995 sous Alain Juppé. La contestation a également été très forte pour les réformes des retraites en 2003 avec François Fillon et en 2010 sous Nicolas Sarkozy.

Les syndicats de fonctionnaires sont pour leur part déjà vent debout contre la réforme de la Fonction publique qui prévoit un recours accru aux contractuels, une rémunération au mérite, la fusion de certaines instances de représentation, ou encore la mise en place d'un plan de départs volontaires pour les hauts fonctionnaires.

PRENDRE LE TEMPS DE RALLIER

La réforme de l'assurance chômage, dont les partenaires sociaux n'étaient pas demandeurs, est elle aussi mal engagée. Jugeant la situation trop tendue pour mener des discussions apaisées, les partenaires sociaux ont demandé au gouvernement un délai sur la remise de la nouvelle convention.

"Les retraites et l'Unédic, ce ne sont pas de petites réformes, elles vont affecter des générations entières", prévient Jean-Dominique Simonpoli, directeur de l'association Dialogues et ancien cadre de la CGT. "Pour les mener, il faut qu'Emmanuel Macron prenne le temps de rallier les gens."

Il plaide pour l'ouverture d'une concertation nationale plus large que les simples concertations de terrain proposées pendant trois mois en réaction à la crise des "Gilets jaunes";

"Avec cette volonté des gens de donner leur avis, il faut co-construire, embarquer, voir comment on utilise tous ces points d'appuis pour mener des réformes", dit-il.

Jean-Paul Delevoye a assuré mercredi sur BFM TV qu'Emmanuel Macron avait "compris la puissance qu'il y avait à tirer de l'intelligence citoyenne" et avait su "se remettre en cause" en demandant "à ce que chacun se sente mobilisé par l'avenir du pays".

Le haut-commissaire aux retraites a décalé de deux semaines ses réunions avec les partenaires sociaux pour que ceux-ci se consacrent aux concertations de terrain. Il assure cependant que la réforme sera bien mise en place.

"Nous savions qu'en embarquant, les dépressions pouvaient s'annoncer fortes. Nous n'avons aucune inquiétude sur les dépressions. Nous avons simplement des interrogations sur notre capacité à adapter la voilure et trouver le bon cap", a-t-il dit à la presse.

"A partir du moment où l'opinion est convaincue que le système actuel est injuste, illisible, complexe (...), la vraie question c'est comment construire ensemble un projet qui soit équitable, transparent, plus juste qui réduit les écarts entre les hommes et les femmes".

(Edité par Yves Clarisse)