Brexit : May échappe à une motion de défiance des conservateurs

reuters.com  |   |  844  mots
Brexit: may echappe a une motion de defiance des conservateurs[reuters.com]
(Crédits : Toby Melville)

LONDRES (Reuters) - La Première ministre britannique, Theresa May, a survécu mercredi soir à la fronde des défenseurs d'un Brexit "dur" au sein du Parti conservateur, dont la motion de défiance interne a été rejetée par 200 des 315 députés appelés à se prononcer.

Le scrutin, monté à la hâte entre mardi et mercredi, s'est déroulé au sein du comité 122, le groupe parlementaire conservateur à la Chambre des communes, après la collecte de 48 lettres de parlementaires.

Les opposants à Theresa May ont réussi à réunir 117 voix, un total insuffisant pour la contraindre à quitter à la fois sa fonction de chef de file du Parti conservateur et son poste de Première ministre.

"Dans la foulée de ce scrutin, nous devons continuer de travailler pour réussir le Brexit pour le peuple britannique et bâtir un avenir meilleur pour ce pays", a réagi la Première ministre lors d'une courte déclaration quelques minutes après l'annonce du résultat du vote.

Comme le prévoient les règlements de la chambre basse du Parlement de Westminster, un tel scrutin peut être organisé si 15% des députés d'un groupe (soit 48 sur 315 actuellement pour les Tories) en font la demande par écrit.

Cette motion de défiance, si elle trahit la fragilité politique de Theresa May, a malgré tout le mérite de lui permettre de compter le nombre de ses partisans alors que les prétendants à sa succession se font plus pressants à l'approche du 29 mars 2019, date officielle de la sortie annoncée du Royaume-Uni de l'Union européenne.

"CANARD BOITEUX"

Jacob Rees-Mogg, un parlementaire eurosceptique qui a multiplié ces derniers temps les attaques contre Theresa May, a pris acte de l'issue du scrutin tout en la qualifiant de "catastrophique" pour la dirigeante britannique, à laquelle il a une nouvelle fois demandé de démissionner.

Sur le marché des changes, la livre sterling, après être tombée en début de journée à son plus bas niveau face au dollar depuis 20 mois, a regagné du terrain au fur et à mesure que se précisait la perspective du rejet de la motion de défiance. Elle a légèrement réduit ses gains à l'annonce des résultats du scrutin, témoignant de la circonspection des investisseurs.

"La victoire de Mme May lui coûte cher: son autorité, déjà vacillante, a été fatalement touchée par l'ampleur de la rébellion", a commenté David Lamb, responsable des transactions du spécialiste du trading de devises Fexco Corporate Payments.

"Les marchés en tirent deux conclusions fortes: la Première ministre est un canard boiteux et le processus du Brexit est revenu là où il en était lundi matin. Avec la même question à la clé: si elle n'est pas parvenue à faire adopter l'accord sur le Brexit au Parlement lundi, comment peut-elle espérer y parvenir maintenant ?"

En fin de journée, la livre s'appréciait de 1,01% face au dollar à 1,2615, et de 0,61% face à l'euro, revenu à 90 pence.

Theresa May a considérablement affaibli sa position politique lundi lorsqu'elle a décidé de reporter sine die un vote des Communes sur le projet d'accord conclu avec les Européens, censé arrêter les modalités du divorce entre Londres et Bruxelles.

MAY EXCLUT TOUT SCRUTIN ANTICIPÉ

Les "hard brexiters", comme l'ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson ou l'ancien ministre en charge du Brexit Dominic Raab, refusent d'admettre la clause de sauvegarde ("backstop") approuvée lors des négociations.

Cette clause a pour but d'empêcher le rétablissement d'une frontière physique entre la République d'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord mais les tenants d'un Brexit sans concession y voient un assujettissement perpétuel du Royaume-Uni à l'UE.

Malgré la contestation au sein du camp conservateur, Theresa May, qui est apparue très combative avant ce vote de défiance, s'est dite "prête à mener sa mission à bien" et à obtenir une approbation de l'accord de séparation.

Elle a toutefois prévenu qu'elle ne se présenterait pas à sa propre succession en 2022, année au cours de laquelle les prochaines élections générales doivent être organisées en Grande-Bretagne, et qu'elle n'avait pas non plus l'intention de convoquer un scrutin législatif anticipé.

"Un nouveau dirigeant n'aurait pas le temps de renégocier un accord de retrait et de le faire adopter au Parlement d'ici au 29 mars; de fait, une de ses premières décisions serait de prolonger ou d'abroger l'Article 50, différant voire stoppant le Brexit alors que nos compatriotes veulent que nous le poursuivions", a-t-elle déclaré.

La prochaine étape pour Theresa May passe par le sommet des Vingt-Sept jeudi et vendredi à Bruxelles puis par le vote qui devra avoir lieu aux Communes au plus tard le 21 janvier, a-t-elle promis.

Elle espère d'ici là obtenir des "assurances" des Européens sur le caractère temporaire de la clause de sauvegarde.

(Kylie MacLellan, Elizabeth Piper et William James; Pierre Sérisier et Nicolas Delame pour le service français, édité par Marc Angrand)