"Gilets jaunes" : "Impensable" de revenir sur des mesures, dit Griveaux

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gilets jaunes: impensable de revenir sur des mesures, dit griveaux[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - L'exécutif a jugé "impensable" de revenir sur les mesures annoncées en novembre par Edouard Philippe face à la crise naissante des "Gilets jaunes", a assuré mercredi le porte-parole du gouvernement au lendemain d'un revirement comptable de Matignon vite avorté sous la pression de la majorité.

L'initiative des services du Premier ministre a été vivement critiquée par les oppositions, qui ont dénoncé tour à tour de "l'amateurisme", "un cafouillage" ou "un vent de panique".

Matignon avait évoqué mardi l'annulation de certaines des mesures dévoilées le 14 novembre pour un montant de 500 millions avec l'objectif de dégager quelque 130 millions d'économies dans le projet de loi de finances 2019, l'exécutif ayant annoncé depuis pour plus de 10 milliards d'euros de gestes en faveur du pouvoir d'achat. Il a finalement renoncé à cette suppression quelques heures plus tard.

Ainsi l'extension du chèque énergie à deux millions de foyers supplémentaires (de 3,6 millions de foyers à 5,6 millions), ou encore le doublement de la prime à la conversion pour les actifs non imposables qui roulent plus de 60 km par jour pour aller au travail ou les 20% de foyers les plus modestes, figureront bien dans le PLF 2019.

"Le sujet a été mis sur la table, pourquoi? Parce que cette décision sur le chèque énergie venait pour compenser une hausse des taxes au 1er janvier", a reconnu Benjamin Griveaux lors du compte rendu du conseil des ministres.

"Que la question se soit posée de dire, 'puisqu'on prend une mesure pour compenser une hausse de taxe et qu'il n'y a plus la hausse de taxe, est-ce qu'on maintient la mesure?', c'est même assez rassurant", a plaidé le porte-parole, démentant tout "mismatch" ("décalage"-NDLR) entre l'Elysée et Matignon.

"C'est l'argent des Français, donc il est important qu'on puisse, quand on prend des décisions, les fonder rationnellement. Et on a considéré rationnellement qu'après avoir fait ces annonces-là en novembre, il était impensable de revenir dessus", a-t-il ajouté.

"Tant mieux!", a réagi sur BFM TV le ministre de l'Economie et des Finances, manifestant une désapprobation à peine dissimulée à l'égard du Premier ministre et de son cabinet.

"LA RÈGLE À CALCUL A PRIS LE PAS"

"On ne peut pas demander aux Français de polluer moins, d'avoir des voitures qui rejettent moins de CO2 ou moins de particules fines et ne pas les aider", a expliqué Bruno Le Maire. "Tant mieux si la majorité nous rappelle de temps en temps à l'ordre, je pense que c'est son rôle."

Aurore Bergé, porte-parole des députés La République en Marche, a expliqué sur RTL que les parlementaires de la majorité étaient "montés au créneau" mardi, car "ça aurait été complètement illisible par rapport à ce que l'on souhaite sur la transition écologique pour l'accompagner socialement."

"En effet, il faut que la politique reprenne ses droits. Ce ne sont pas les 'technos' qui doivent gouverner dans ce pays", a-t-elle jugé, relayant un discours de plus en plus prégnant au sein de la majorité LaRem sur les abus de la "technostructure".

Pour Laurent Berger, critique depuis le début du quinquennat d'une gouvernance "verticale" et "technocratique", cette nouvelle volte-face est "la démonstration" que "la règle à calcul a pris le pas sur la justice sociale et la transition écologique." "Il y a une forme de panique, d'une certaine manière", a commenté le secrétaire général de la CFDT sur Radio classique.

La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, y voit elle un signe d'"amateurisme absolument total".

"En réalité, ils ne savent pas où ils vont. Ils réagissent à une actualité mais ils n'ont pas une idée précise de là où ils veulent mener le pays, et donc ils sont gênés aux entournures, d'autant que l'Union européenne et la Commission effectuent sur eux une pression considérable", a-t-elle estimé sur RTL.

Le député socialiste Stéphane Le Foll, qui fut ministre au côté d'Emmanuel Macron sous François Hollande, s'est irrité d'un "grand bazar". "Je me souviens des commentaires sur les couacs sous Hollande ... (...) il y a une perte du fil de la gestion des affaires", a-t-il dit sur Sud Radio. "Annuler l'annulation, c'est rarement vu! C'est le grand bazar!"

"Il y a un vent de panique à tous les étages: à l'Elysée, à Matignon, à l'Assemblée nationale, tout le monde bouge au gré du vent", a commenté sur RFI Christian Jacob, chef de file des députés Les Républicains. "On a un président de la République qui ne tient plus rien".

(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)