Attaques de drones contre des installations pétrolières saoudiennes

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Attaques de drones contre des installations petrolieres saoudiennes[reuters.com]
(Crédits : Hamad I Mohammed)

par Stephen Kalin et Rania El Gamal

RYAD (Reuters) - Deux installations de la compagnie pétrolière saoudienne Aramco, dont le plus grand site mondial de transformation de brut, ont été attaquées samedi par des drones dans l'est de l'Arabie saoudite, provoquant des incendies maîtrisés et, selon des sources proches du secteur, une perturbation de la production.

Les attaques ont été revendiquées par le mouvement yéménite Houthi. Un porte-parole du mouvement a déclaré à la chaîne de télévision Al Masirah que les attaques de ce genre allaient s'intensifier.

Selon la chaîne, une dizaine de drones ont été utilisés pour cette double opération menée dans les provinces saoudiennes d'Abkaïk et Khouraïs, au sud-ouest de Dhahran, à un millier de kilomètres de Sanaa, la capitale du Yémen contrôlée depuis cinq ans par les Houthis.

Ni les autorités saoudiennes, ni Aramco n'ont précisé l'étendue des dégâts ou la cible exacte des attaques. Mais selon trois sources proches du secteur, ces attaques ont perturbé la production pétrolière. Deux d'entre elles précisent que cinq millions de bpj ont été concernés, soit près de la moitié de la production saoudienne, ou 5% du commerce quotidien mondial du pétrole.

Dans un communiqué, la coalition militaire sous commandement saoudien qui combat les Houthis indique que "des investigations sont en cours pour déterminer les responsables de la préparation et de l'exécution de ces attaques terroristes".

Les mesures nécessaires seront prises pour "protéger les ressources de la nation, la sécurité internationale de l'énergie et assurer la stabilité de l'économie mondiale", ajoute le colonel Turki al Malki, porte-parole de la coalition.

Selon l'agence officielle de presse saoudienne SPA, Donald Trump, lors d'une conversation téléphonique avec le prince héritier Mohamed ben Salman, a déclaré que les Etats-Unis étaient prêts à coopérer avec l'Arabie saoudite pour "garantir sa sécurité".

Aucun bilan n'a été communiqué par les autorités saoudiennes. Un journaliste de Reuters a vu au moins quinze ambulances et un imposant dispositif de sécurité se déployer autour d'Abkaïk.

Abkaïk se trouve à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest du QG d'Aramco à Dhahran. "Une attaque couronnée de succès contre Abkaïk serait pour le marché pétrolier et l'économie mondiale l'équivalent d'une grave attaque cardiaque", estime Bob McNally, ancien du Conseil national de sécurité de la Maison blanche lors de la guerre d'Irak en 2003 et qui dirige aujourd'hui le Rapidan Energy Group.

Le site d'Abkaïk traite le brut extrait à Ghawar, un super-gisement pétrolier conventionnel sans équivalent dans le monde, et alimente les terminaux de Ras Tanura et Juaymah.

"Ces attaques contre une infrastructure cruciale mettent en danger des civils, sont inacceptables et finiront tôt ou tard à tuer des innocents", a commenté l'ambassadeur des Etats-Unis à Ryad, John Abizaid.

A Khouraïs se trouve le deuxième plus grand gisement pétrolier saoudien.

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a déclaré en fin de journée que les marchés mondiaux du pétrole restaient bien approvisionnés du fait des stocks commerciaux existants. L'AIE précise cependant qu'elle suit de près la situation et est en contact avec les autorités saoudiennes.

"PENDANT LONGTEMPS, LES SAOUDIENS N'ONT JAMAIS

VRAIMENT CRAINT QUE LEURS INSTALLATIONS PÉTROLIÈRES

SERAIENT FRAPPÉES DEPUIS LE CIEL"

L'Arabie saoudite a pris la tête en mars 2015 d'une coalition militaire sunnite combattant les Houthis, proches de l'Iran chiite.

Ryad accuse Téhéran d'utiliser la rébellion yéménite comme un outil d'une politique de déstabilisation du Moyen-Orient.

Dans un tweet agrémenté du mot-dièse #Aramco, le général iranien Qassem Soleimani, qui dirige la Force Al Qods, unité d'élite des Gardiens de la révolution islamique chargée des opérations extérieures, a salué samedi la "résistance" des Houthis.

Les Houthis ont déjà procédé à des attaques au drone ou à des tirs de missiles contre le territoire saoudien. Le mois dernier, le gisement de Chaïbah a été pris pour cible. En mai, des stations de pompage avaient été visées.

"C'est une situation relativement nouvelle pour les Saoudiens", analyse Kamran Bokhari, directeur du Center for Global Policy basé à Washington, qui rappelle que les dispositifs de sécurité étaient plutôt conçus pour parer des attaques à la voiture piégée.

"Pendant longtemps, ils n'ont jamais vraiment craint que leurs installations pétrolières seraient frappées depuis le ciel", ajoute-t-il.

(avec Tuqa Khalid et Parisa Hafez à Dubaï; Tangi Salaün et Henri-Pierre André pour le service français)