Les banquiers français courtisés par les boutiques américaines

reuters.com  |   |  921  mots

par Pamela Barbaglia, Gwénaëlle Barzic et Rob Cox

LONDRES/PARIS/NEW YORK (Reuters) - Plusieurs banques d'affaires américaines indépendantes cherchent à recruter des pointures du M&A à Paris face à l'imminence du Brexit et ont déjà débauché plusieurs banquiers dans de grandes maisons de la place parisienne dont Lazard, ont dit plusieurs sources à Reuters.

Evercore, dont le siège est à New York, a fait appel au cabinet de chasseur de têtes Charta Partners, pour embaucher des banquiers français ayant des liens étroits avec des groupes du CAC 40, ont expliqué les sources, alors que la "boutique" américaine se prépare à ouvrir un bureau en France.

Evercore est en concurrence directe avec les autres sociétés indépendante américaines Centerview, Greenhill, Perella Weinberg et Moelis, qui cherchent aussi à recruter en France.

Cette percée coïncide avec l'imminence de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, qui pousse les banques d'affaires à étoffer leur présence en Europe pour y conserver l'accès à leurs clients.

Paris dispose d'atouts pour servir de tête de pont en Europe aux établissements internationaux cherchant une alternative à Londres et Francfort.

Mais la France a reculé dans les classements des opérations de fusions-acquisitions depuis un record en 2017 où elle avait atteint la 4e place avec un total de 105 milliards de dollars de transactions, selon des données Refinitiv.

En 2018, elle est passée derrière l'Italie, reculant à la 7e place pour un total de seulement 54 milliards de dollars (48,5 milliards d'euros) de transactions.

Sur les trois premiers trimestres de cette année, les opérations de fusion-acquisition en France ont représenté moins de 40 milliards de dollars, le "méga" projet de rapprochement entre Renault et Fiat Chrysler Automobiles ayant été abandonné.

PARIS, NOUVELLE TÊTE DE PONT POUR LE M&A EN EUROPE

Les banques internationales font toutefois le pari que le marché va reprendre, notamment parce que de grands groupes français ont l'ambition d'étendre leur présence à travers le monde via des acquisitions.

"C'est le bon moment pour être un banquier français. En réalité, les banquiers français aguerris sont très demandés en ce moment", explique un recruteur basé à Londres, selon lequel les boutiques ont des projets ambitieux de recrutements.

"Paris est une sorte de guichet unique", explique un responsable gouvernemental français, ancien banquier. "Les banques, les assurances, les grands groupes, l'industrie, tout y est".

Greenhill a recruté en septembre Amélie Negrier-Oyarzabal, associée chez Lazard pendant 16 ans, pour superviser la mise en place d'une équipe française.

Deux autres banquiers de Lazard, Nicolas Constant et Pierre Pasqual, ont quitté la célèbre institution récemment pour rejoindre des boutiques américaines dont le nom n'a pas été identifié, ont dit des sources à Reuters.

Nicolas Constant était "managing director" à Lazard où il était entré il y a 14 ans pour se concentrer notamment sur le capital-investissement tandis que Pierre Pasqual était gérant dans la banque qu'il a rejoint en 2012 après avoir travaillé pour Barclays.

Leur départ a alimenté les spéculations sur un possible départ du PDG de Lazard en France Matthieu Pigasse, ont dit des sources à Reuters, alors que ce dernier a eu récemment des discussions avec plusieurs boutiques dont Evercore.

Lazard a démenti le départ de son banquier star mais a confirmé ceux de Nicolas Constant et Pierre Pasqual.

Evercore et les autres banques n'ont pas souhaité faire de commentaire.

DÉBAUCHER MATTHIEU PIGASSE

Le responsable mondial de la banque d'investissement de Lazard a joué un rôle clef dans l'obtention par Lazard d'un mandat pour l'introduction en Bourse d'Aramco, aux dépens d'Evercore qui avait été retenue en 2017 par le géant pétrolier.

Matthieu Pigasse s'est rendu à Ryad au moment où les banques faisaient leur présentation à Aramco, a rapporté une source au fait de la question, et il a également travaillé sur la première émission obligataire internationale du groupe cette année.

Le gain d'Aramco a contribué à la réputation de Matthieu Pigasse en dehors de la France, faisant de lui un candidat idéal pour les banques américaines.

Un peu plus tôt cette année, le banquier de 51 ans, également connu en France pour ses investissements dans les médias, a eu des discussions avec Mediobanca en vue de possiblement rejoindre la banque italienne, ont dit à Reuters deux sources directement au fait des discussions.

Mediobanca, qui est dirigée par Alberto Nagel, n'était pas joignable dans l'immédiat pour un commentaire.

La banque italienne cherche également à gagner des parts de marché en France et le banquier français a pris contact en mars alors qu'elle était en discussions pour acquérir 66% dans la banque d'affaires française Messier Maris & Associés, une transaction annoncée en avril, ont précisé les sources.

Matthieu Pigasse n'a pas répondu aux demandes de commentaire de Reuters.

Perella Weinberg a également fait le choix de Paris. La banque d'affaires y a ouvert un bureau en 2018 et recruté des banquiers français de Bank of America et Goldman Sachs.

Centerview lorgne également la capitale française, selon une source au fait de sa stratégie, mais n'y ouvrira une antenne qu'à la condition de pouvoir recruter une pointure du M&A.

Moelis a ouvert un bureau sur les Champs Elysées et conseille des clients internationaux cherchant à acquérir des actifs français.

(Avec Greg Roumeliotis, édité par Jean-Michel Bélot)