"Pas d'élection demain ! " : Manifestation en Algérie contre la présidentielle

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pas d'election demain !: manifestation en algerie contre la presidentielle[reuters.com]
(Crédits : Ramzi Boudina)

ALGER (Reuters) - Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés mercredi dans Alger à la veille d'une élection présidentielle dont ils réclament l'annulation.

Les manifestants considèrent que ce scrutin est une mascarade et qu'il n'est pas possible d'organiser une présidentielle en Algérie tant que la totalité des membres de la "vieille garde" n'auront pas quitté la scène et que l'armée n'aura pas mis fin à ses ingérences dans la vie politique du pays.

"Pas d'élection demain", ont scandé les manifestants.

"Les Algériens veulent un changement radical, ils en ont assez", témoigne Ahmed Kamili, un étudiant de 25 ans, croisé dans le cortège les épaules couvertes du drapeau algérien.

La Kabylie, région traditionnellement rétive au pouvoir central, est pour sa part paralysée par une grève générale. Là encore, il s'agit de rejeter l'organisation du scrutin.

Cette élection présidentielle est la conséquence de la démission d'Abdelaziz Bouteflika, évincé du pouvoir début avril sous la pression de la rue et de l'armée alors qu'il projetait de briguer un cinquième mandat.

Le scrutin avait été initialement programmé début juillet mais repoussé faute de candidats, les deux seules personnalités en lice ayant été invalidées par le Conseil constitutionnel.

Cinq candidats brigueront jeudi la présidence.

Abdelmadjid Tebboune, éphémère Premier ministre en 2017, Ali Benflis, qui a dirigé le gouvernement en 2000-2003, Azzeddine Mihoubi, ancien ministre de la Culture soutenu par le Front de libération nationale (FLN), Abdelkader Begrine, ex-ministre du Tourisme, et Abdelaziz Belaïd, ancien membre du comité central du FLN, ont tous été liés à un stade ou un autre de leur carrière à Abdelaziz Bouteflika.

Pour les partisans du "Hirak" (mouvement, en arabe), qui a débuté en février et mobilisé des centaines de milliers de personnes, ils sont tous les cinq issus de la "vieille garde" qui monopolise le pouvoir depuis l'indépendance, en 1962.

Ils considèrent de ce fait que ce scrutin n'a aucun sens et qu'il ne servira qu'à masquer derrière un gouvernement civil de façade la mainmise de l'armée. Une mainmise renforcée par les condamnations pour corruption qui ont frappé ces derniers mois des figures du pouvoir, dont le frère de l'ex-président Saïd Bouteflika et Mohamed Mediène, ancien patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), la sécurité intérieure.

"L'élite corrompue de Bouteflika est en prison. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il n'y a aucune élite de rechange. Le système ne changera pas, il va simplement s'adapter ainsi qu'il l'a toujours fait", note un ancien ministre aujourd'hui retiré de la vie politique.

Le chef d'état-major des forces armées algériennes, le général Ahmed Gaïd Salah, au centre du jeu depuis l'émergence du Hirak, estime à l'inverse que l'élection de jeudi est la seule voie pour sortir de la crise politique.

"Nous allons voir si une mauvaise élection vaut mieux que pas d'élection du tout", commente le politologue Farid Ferrahi.

(Lamine Chikhi et Hamid Ould Ahmed; version française Henri-Pierre André)