Italie : La gauche résiste à Salvini en Emilie-Romagne

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Italie: salvini ne parvient pas a reprendre l'emilie-romagne a la gauche[reuters.com]
(Crédits : Flavio Lo Scalzo)

par Crispian Balmer

ROME (Reuters) - La Ligue n'est pas parvenue à s'emparer de l'Emilie-Romagne, région du nord de l'Italie qui reste aux mains du Parti démocrate (PD), à l'issue d'élections locales aux enjeux bien plus larges.

Matteo Salvini, chef de file du parti d'extrême droite qui s'était investi sans compter dans la campagne, comptait sur une victoire-choc pour faire vaciller la fragile coalition gouvernementale formée en septembre par le PD et les contestataires du Mouvement 5 étoiles (M5S), après la crise qu'il a lui-même provoquée.

Mais Stefano Bonaccini, président sortant de la région, l'a emporté avec 51,4% des voix contre 43,6% pour Lucia Borgonzoni, la candidate de la Ligue, que les sondages donnaient pourtant au coude-à-coude avec son rival.

"La majorité sort renforcée" de ce scrutin, s'est félicité Nicola Zingaretti, secrétaire du parti de centre gauche, soulignant l'échec de Salvini dans sa tentative de déstabilisation du gouvernement.

"Salvini est le grand perdant de cette élection, qui était considérée comme un ultimatum à son propos", a abondé le président du Conseil, Giuseppe Conte, qui a estimé que la coalition PD-M5S au pouvoir irait désormais au terme de la législature, en 2023.

Les électeurs d'Emilie-Romagne, qui se sont mobilisés en masse, ont infligé un rare revers à Matteo Salvini, dont le parti restait sur sept victoires régionales consécutives et qui avait promis d'adresser un "ordre d'expulsion" au gouvernement en cas de nouveau triomphe.

"A mon sens, ce résultat fait du mal à l'aura d'invincibilité de Salvini", a commenté Lorenzo De Sio, qui enseigne la science politique à l'université Luiss de Rome.

Les obligations d'Etat italiennes se sont redressées lundi, avec des rendements tombant à leur plus bas niveau depuis près de trois mois, les marchés ayant jugé ce résultat positif pour la stabilité de l'exécutif, cinq mois après sa formation.

LE M5S EN GRANDES DIFFICULTÉS

Rien n'aurait obligé le gouvernement de Giuseppe Conte à démissionner si Matteo Salvini avait gagné son pari mais la perte de l'Emilie-Romagne aurait exacerbé les tensions au sein de la coalition.

"Je ne me sens pas vaincu. Parfois on gagne, parfois on perd, mais si je perds, je serai content quand même et je travaillerai deux fois plus dur", a promis dimanche soir le chef de file de la Ligue, alors que les résultats partiels étaient encore serrés.

Lundi, il a déclaré à la presse avoir fait tout ce qui était humainement impossible, et même un peu plus" pour tenter d'arracher la région à la gauche, et s'est dit "absolument satisfait" d'avoir fait baisser son score. Avant d'annoncer qu'il allait prendre quelques jours de repos et partir à la pêche.

Son parti, associé à d'autres composantes de la droite, a en revanche obtenu une victoire en Calabre, dans le Sud, mais l'enjeu n'était pas comparable.

L'Emilie-Romagne, l'une des régions les plus prospères de la Péninsule, est aux mains de la gauche depuis la Seconde Guerre mondiale et une alternance aurait été historique. Signe de l'ampleur des enjeux, la participation a atteint 68%, soit 30 points de plus que lors des régionales de 2014.

Matteo Renzi, ancien président du Conseil qui dirige un petit parti centriste membre de la coalition au pouvoir, a salué la "belle et claire victoire" de Stefano Bonaccini.

Si le PD est parvenu à se relancer, le M5S, son partenaire au sein de la coalition gouvernementale, est tombé à 3,5% des voix en Emilie-Romagne et un peu plus de 7% en Calabre, alors qu'il était devenu la première force politique d'Italie lors des législatives de 2018 avec 33%.

Cette glissade s'est traduite par une vague de défections et la démission de son chef de file Luigi Di Maio, le 23 janvier.

Décidé à tirer parti de sa popularité croissante, Matteo Salvini, qui était alors vice-président du Conseil et ministre de l'Intérieur, a annoncé le 8 août que la coalition formée en 2018 avec le M5S n'était plus viable et a réclamé des législatives anticipées, sans envisager que le parti contestataire pourrait s'entendre avec le PD pour former un nouveau gouvernement sans passer par la case électorale.

(Avec Gavin Jones et Giulia Segreti; version française Jean-Philippe Lefief, édité par Bertrand Boucey et Henri-Pierre André)