Total ne veut pas être "le bouc émissaire" de la transition écologique

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Total ne veut pas etre le bouc emissaire de la transition ecologique[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

par Bate Felix et Ron Bousso

ABERDEEN, Ecosse (Reuters) - Les gouvernements du monde entier devraient prendre des mesures fortes en faveur de la réduction de la consommation de combustibles fossiles et les consommateurs devraient être prêts à payer davantage au lieu de faire des compagnies pétrolières les "boucs émissaires", estime le PDG de Total, Patrick Pouyanné.

"Bizarrement, le débat tourne autour de l'offre, il devrait plutôt se faire sur la demande", souligne le numéro un du géant pétrolier français, connu pour son franc-parler, dans une interview accordée à Reuters à Aberdeen, en Ecosse.

"Les gens ne consomment pas de pétrole parce que nous produisons du pétrole, ils consomment à cause des systèmes" existants, ajoute-t-il. "Aujourd'hui, les moteurs des voitures consomment de l'huile. Si demain les constructeurs automobiles décident que la plupart des voitures sont électriques, la demande disparaîtra".

La question est également de savoir : "Etes-vous prêts à payer plus? Les biocarburants sont plus chers que le pétrole. On ne peut pas faire la transition écologique avec l'idée que cela ne coûtera rien à personne. Cela coûtera", insiste Patrick Pouyanné. "Peut-être que la société veut que le pétrole soit vert, mais cela signifie être prêts à payer pour cela".

Depuis son arrivée à la tête de Total en 2014 après la mort de son prédécesseur Christophe de Margerie dans un accident d'avion, Total a mis en place des objectifs de réduction des émissions de carbone - mais ces objectifs sont jugés insuffisants par ses détracteurs qui estiment qu'ils sont encore loin de ceux fixés par l'accord sur le climat conclu en 2015 à Paris.

"ENORME ERREUR"

Le groupe estime que d'ici 2040 le gaz, qui avec le pétrole représente aujourd'hui la grande majorité de ses activités, représentera 50% de ses activités (30% pour le pétrole et les biocarburants et 20% pour l'électricité).

Abandonner sans délai le pétrole et le gaz serait "une énorme erreur", notamment parce qu'ils permettent de financer des technologies vertes, souligne Patrick Pouyanné, faisant écho aux propos tenus le PDG de Shell, Ben van Beurden, disant ne pas avoir d'autre choix que d'investir dans le pétrole et le gaz.

"Supposons que nous annoncions aujourd'hui que nous avons cessé la production de pétrole : est-ce que vous pensez que les voitures pourraient d'un coup rouler sans essence? Non, cela ne fonctionne pas. Ce n'est pas tout noir ou tout blanc", souligne Patrick Pouyanné.

"Nous ne voulons pas nous éloigner du pétrole et du gaz", ajoute-t-il. "Nous avons toutes les capacités financières pour être aux commandes (de la transition énergétique) et ne pas être les méchants de l'histoire".

La production de pétrole et de gaz du groupe pétrolier français a progressé de 9% l'an dernier avec un bénéfice net de près de 12 milliards de dollars.

Si la majeure partie de ses 17,9 milliards de dollars d'investissements sont allés l'an dernier au pétrole et au gaz (seuls 10% sont allés aux énergies renouvelables), Total a multiplié les investissements dans les énergies nouvelles ces dernières semaines, au Qatar, en Inde ou encore en Espagne.

(Version française Marine Pennetier, édité par Jean-Michel Bélot)