Affaire Ghosn : Ouverture d'une information judiciaire en France

reuters.com  |   |  700  mots
Affaire ghosn: ouverture d'une information judiciaire en france[reuters.com]
(Crédits : Mohamed Azakir)

PARIS (Reuters) - La justice française a annoncé mercredi l'ouverture d'une information judiciaire visant entre autres l'ancien patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn dans le cadre d'une enquête portant notamment sur l'organisation de deux soirées au château de Versailles.

Un an après l'ouverture d'une enquête préliminaire, plusieurs juges d'instruction sont désormais chargés de prendre le relais des investigations, a précisé le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) dans un communiqué, confirmant des informations de Reuters.

"Le 12 février 2020, le procureur de la République de Nanterre a ouvert une information judiciaire contre X pour abus de biens sociaux, abus de biens sociaux aggravés, abus de confiance aggravés, recel de ces infractions, faux et usage, blanchiment aggravé d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance aggravés, faits commis entre 2009 et 2020", peut-on lire dans le document.

L'ancien patron de Renault-Nissan, qui se trouve actuellement au Liban après avoir fui fin décembre le Japon où il devait être jugé pour des malversations financières, est notamment soupçonné d'avoir en connaissance de cause utilisé les ressources du groupe automobile à des fins privées.

"Cette ouverture d'information n'est pas une nouvelle très significative", déclare Jean-Yves Le Borgne, avocat de Carlos Ghosn, dans une déclaration transmise à Reuters.

"Il nous appartiendra de donner nos explications au magistrat désigné après avoir - enfin! - pu prendre connaissance du dossier. Nous nous félicitons d'entrer dans une phase contradictoire de la procédure", ajoute-t-il.

Les soupçons de la justice portent en particulier sur l'organisation d'une soirée en octobre 2016 pour l'anniversaire de l'épouse de l'ex-dirigeant, dans les locaux fastueux du château de Versailles.

Carlos Ghosn a démenti toute malversation, affirmant que cette fête n'avait jamais été présentée comme un événement institutionnel. Il a ainsi expliqué avoir pensé que les lieux lui avaient été gracieusement prêtés à titre personnel par le château de Versailles.

L'enquête s'est également élargie à une autre soirée au château de Versailles, datant cette fois de mars 2014, à l'occasion des 15 ans de l'alliance Renault-Nissan.

Lors d'une conférence de presse en janvier, Carlos Ghosn avait là aussi balayé les soupçons sur la présence de proches et amis lors de ces festivités, réglées par la filiale néerlandaise de Renault-Nissan RNBV, faisant valoir que le groupe avait invité des relations professionnelles et des partenaires.

Le caractère institutionnel de deux soirées organisées au château de Versailles en présence de Carlos Ghosn ne fait aucun doute pour les responsables du domaine, qui affirment pour leur part n'avoir jamais été payés par les "fonds personnels" de l'ancien patron de l'alliance.

"Aucun document communiqué à l'Etablissement public du château de Versailles relatif à l'organisation de ces deux manifestations ne remettait en cause leur caractère institutionnel pour la société Renault", a dit une porte-parole de Versailles à Reuters.

L'enquête de la justice française porte aussi sur d'autres dépenses, dont des voyages, réglées notamment par RNBV.

INVESTIGATIONS À L'ÉTRANGER

Des flux financiers suspects entre la société SAS Renault et un distributeur de véhicules à Oman, la société SBA, font en outre l'objet d'un examen, ajoute le parquet.

Renault avait alerté la justice française l'an dernier après avoir découvert l'existence de paiements suspects entre 2011 et 2016 à un partenaire commercial de Renault-Nissan à Oman.

L'ancien dirigeant, qui conteste les accusations portées à son encontre, affirme être victime d'un complot en raison de ses projets pour l'alliance automobile franco-japonaise.

Dans son communiqué, le parquet de Nanterre explique que les investigations menées dans le cadre de l'enquête préliminaire ont été étayées par des signalements des commissaires aux comptes de Renault et de Tracfin, organisme de Bercy chargé de la lutte contre le blanchiment et la fraude, ainsi que par la communication de rapports d'audits internes.

La désignation de juges d'instruction permettra de poursuivre ces investigations, "en particulier à l'étranger", ajoute le parquet de Nanterre dans son communiqué.

(Marine Pennetier et Elizabeth Pineau, avec Gwénaëlle Barzic et Sarah White, édité par Jean-Philippe Lefief)