Les César marqués par la controverse Polanski

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(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Les accusations de viols contre Roman Polanski et la place des femmes dans le cinéma français ont imprégné la 45e cérémonie des César qui a sacré la réalisation du cinéaste franco-polonais mais attribué la récompense suprême aux "Misérables" de Ladj Ly.

Avant la cérémonie, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour repousser des manifestants venus protester près de la salle Pleyel, lieu de la soirée, munis de pancartes dénonçant les "César de la honte" ou scandant le slogan "Violeur on te voit, victime on te croit".

Finalement, "J'accuse" a remporté trois statuettes dont celle de la meilleure réalisation, en l'absence de Roman Polanski et de toute l'équipe du film, également récompensée pour ses décors et la meilleure adaptation.

"Les Misérables" de Ladj Ly a été sacré meilleur film de l'année.

"Le seul ennemi ce n'est pas l'autre, c'est la misère", a déclaré le cinéaste en recevant son prix pour ce film tourné au coeur d'une cité de Montfermeil, en banlieue parisienne.

Anaïs Demoustier a remporté le César de la meilleure actrice pour "Alice et le maire" et Roschdy Zem celui du meilleur acteur pour "Roubaix, ville lumière".

Au moment de la proclamation du César de meilleure réalisation, l'actrice Adèle Haenel, qui avait raconté il y a quelques mois avoir été abusée sexuellement dans le milieu du cinéma à l'âge de 12 ans, a quitté la salle en signe de protestation, de même que d'autres invités.

Elle-même était nommée dans la catégorie meilleure actrice pour son interprétation dans le film "Portrait de la jeune fille en feu" de Céline Sciamma, qui est reparti avec un seul César technique, celui de la meilleure photo.

Dans une récente interview au New York Times, Adèle Haenel avait estimé que récompenser Roman Polanski s'apparenterait à un "crachat" pour les victimes d'agressions sexuelles.

"SYMBOLE MAUVAIS", DIT RIESTER

Présent à la cérémonie, le ministre de la Culture Franck Riester avait déclaré vendredi matin sur franceinfo qu'accorder à Roman Polanski le César du meilleur réalisateur "serait un symbole mauvais par rapport à la nécessaire prise de conscience que nous devons tous avoir dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes".

Cette déclaration a provoqué la colère du producteur de "J'Accuse", qui a annoncé dans une lettre que toute l'équipe du film, nommé 12 fois, boycotterait les César.

Le ministre, "représentant l'autorité de l'État, s'est autorisé une déclaration condamnant par avance et sans le connaître le résultat d'un vote professionnel, indépendant et secret", écrit Alain Goldman dans cette lettre transmise à Reuters. "Nous ne pouvons accepter que le vote démocratique des 4.313 membres de l'Académie soit remis en cause par un tribunal d'opinion, parce que ses juges autoproclamés n'approuvent pas ces résultats."

Roman Polanski, qui dément les accusations d'agressions sexuelles portées contre lui par plusieurs femmes, avait annoncé dès jeudi son absence à cette soirée annuelle de récompenses du septième art par refus d'un "lynchage public".

Les discours prononcés sur scène durant toute la soirée étaient truffés d'allusions aux tensions qui parcourent le cinéma français à l'heure du mouvement #MeToo.

La maîtresse de cérémonie, Florence Foresti, a plaisanté d'emblée en présentant "J'accuse", qui raconte l'affaire Dreyfus, comme un film sur "la pédophilie dans les années 1970."

"Bonsoir à toutes", a déclaré pour sa part l'actrice Sandrine Kiberlain, présidente de cette "très particulière" 45e cérémonie, "la dernière d'une époque et la première d'une autre", a-t-elle dit.

Le début de l'année avait déjà été marqué par la démission collective de la direction de l'Académie des César dans le but de "retrouver la sérénité", alors que les nominations obtenues par "J'accuse" alimentaient déjà la controverse autour de son réalisateur.

(Elizabeth Pineau, édité par Arthur Connan)