Apprentissage accéléré pour les internes mobilisés contre le coronavirus

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Apprentissage accelere pour les internes mobilises contre le coronavirus[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

par Clotaire Achi

CHAMPIGNY-SUR-MARNE, Val-de-Marne (Reuters) - Dans un gymnase de Champigny-sur-Marne transformé en centre de détection du coronavirus, Elodie Vieira ausculte avec un stéthoscope une femme qui ne parvient pas à retenir une toux sèche à chaque fois qu'elle s'approche.

"Excusez-moi", souffle la dame entre deux quintes de toux.

"Il n'y a pas de mal, ne vous inquiétez pas", lui répond Elodie Vieira, le corps entièrement protégé par une surblouse en plastique jetable, des surchaussures et des gants, et le visage dissimulé sous un masque, des lunettes de protection et une charlotte.

Il y a encore quelques semaines, jamais la jeune femme de 27 ans n'aurait imaginé se retrouver là. Étudiante en médecine depuis neuf ans, elle est pourtant venue prêter main forte au personnel médical débordé par l'ampleur de l'épidémie, comme 1.700 des 4.500 internes de la région Ile-de-France qui se sont portés volontaires.

"Ici, on est dans une structure adaptée et on a tout l'équipement qu'il faut pour pouvoir examiner les gens sans trop de soucis", assure Elodie Vieira, qui dit ne pas souffrir des pénuries de matériel de protection régulièrement dénoncées par d'autres soignants partout en France.

Après le départ de la malade, elle nettoie méthodiquement son bureau et le clavier de l'ordinateur avec un spray désinfectant et des lingettes avant l'arrivée du prochain patient sous la tente qui lui fait office de cabinet de consultation.

"ON FAIT CE QU'ON PEUT"

La salle d'attente, quelques chaises largement espacées, installées sur le parquet en bois du terrain de basket du gymnase, accueille une quarantaine de malades par jour depuis le début de la semaine, plus du double de la semaine précédente.

"C'est un peu l'inconnu", reconnaît Elodie Vieira, qui travaille en temps normal dans un cabinet de médecine générale de Champigny-sur-Marne, dans le cadre de sa troisième année d'internat.

"On a eu une formation et on a des médecins qui nous disent comment faire, mais c'est une situation exceptionnelle, donc on n'est jamais vraiment préparé à ça. Quand on voit à l'hôpital tout ce qui se passe, on a envie d'aider, alors on fait ce qu'on peut."

En fonction des symptômes présentés par les malades, Elodie Vieira décide soit de les transférer à l'hôpital de la ville pour des examens complémentaires, soit de les renvoyer chez eux pour qu'ils soient suivis à domicile par leur médecin traitant, ou par les équipes du centre Covid s'il n'y a pas de médecin disponible.

"Elle a pris une grande autonomie", se réjouit le docteur Frédéric Villebrun, qui l'emploie habituellement dans son cabinet. "Elle a réussi sur le plan clinique à être suffisamment autonome pour qu'on lui confie ce type de mission et en même temps elle joue un rôle de coordination de l'équipe. C'est une étudiante brillante."

PRENDRE TOUTES LES PRÉCAUTIONS

Pour Léonard Corti, secrétaire général de l'InterSyndicale nationale des internes (ISNI) et responsable de la cellule de crise des internes à Paris, l'apport des étudiants est essentiel au fonctionnement des service de santé, mais pas inépuisable.

"Nous avons créé un réseau de référents dans les services en tension des hôpitaux pour pouvoir envoyer des renforts. Ca nous a permis de redispatcher 700 internes la semaine dernière en Ile-de-France, en priorité vers les hôpitaux périphériques qui manquent de personnel", raconte-t-il.

"Mais nous sommes inquiets car nous sommes arrivés depuis le début de la semaine un peu au bout de nos réserves."

Maladie, épuisement, angoisse... la crise frappe de plein fouet le personnel soignant.

Chaque soir, après plus de six heures de permanence au gymnase de Champigny-sur-Marne, entrecoupées d'une courte pause déjeuner, Elodie Vieira rentre au domicile de ses parents, chez lesquels elle vit toujours avec sa petite soeur.

Si elle dit ne pas avoir hésité à s'engager dans la lutte contre le Covid-19 et ne pas être "particulièrement inquiète", elle reconnaît qu'il n'est pas facile de gérer cette situation au quotidien.

"Depuis quelques temps, j'ai emménagé au sous-sol pour éviter d'avoir des contacts avec ma famille, car on a toujours peur pour nos proche", témoigne-t-elle. "Vu que cette maladie est imprévisible, je préfère prendre toutes les précautions."

(Rédigé par Tangi Salaün, édité par Jean-Michel Bélot)