Plus de 500 milliards d'euros sur la table des ministres de l'Eurogroupe

reuters.com  |   |  882  mots
Plus de 500 milliards d'euros sur la table des ministres de l'eurogroupe[reuters.com]
(Crédits : Leonhard Foeger)

par Jan Strupczewski

BRUXELLES (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro devraient s'accorder mardi sur un paquet de mesures représentant plus de 500 milliards d'euros pour faire face aux répercussions de l'épidémie de coronavirus. Ils devraient en revanche appeler à des discussions supplémentaires sur l'idée d'émettre de la dette commune.

L'Italie et l'Espagne, les deux pays de la zone euro les plus lourdement frappés par la pandémie, sont aussi les plus fervents partisans de la création de ces "coronabonds", des obligations mutualisées qui permettraient de financer une relance de l'activité économique par de la dette européenne.

La France et six autres pays plaident également en faveur de ce nouvel "instrument de dette commun émis par une institution européenne pour lever des fonds sur le marché". L'idée a été exposée dans une lettre que ces neuf Etats ont diffusée le 25 mars dernier.

Mais les Pays-Bas, l'Allemagne et d'autres Etats comme la Finlande s'opposent à cette mutualisation. Ils notent que tous les membres de la zone euro ont encore accès à des taux bas sur le marché obligataire et que les règles communautaires encadrant les déficits budgétaires ont été levées le temps de la pandémie, ce qui leur laisse davantage de marge.

"Il y a beaucoup de place pour la solidarité dans le cadre des instruments et des institutions existantes", a souligné le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel. "Nous devons exploiter pleinement ces instruments et rester ouverts à l'idée d'en faire plus", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'un "paquet solide" était en dans les tuyaux.

Selon Mario Centeno, président de l'Eurogroupe, les ministres des Finances se mettront d'accord sur trois filets de sécurité économiques destinés respectivement aux salariés, aux entreprises et aux gouvernements.

     "C'est sans doute le paquet le plus important et le plus ambitieux jamais préparé par l'Eurogroupe. Il s'appuie sur les efforts sans précédent déjà déployés par les gouvernements et les autorités monétaires (...) Le plan économique protégera notre tissu économique et social alors que nous plongeons dans une récession", a-t-il déclaré dans un communiqué vidéo.

UN CONSENSUS SE DÉGAGE SUR TROIS IDÉES

La réunion par visioconférence des ministres doit débuter à 15h00 (13h00 GMT).

Plusieurs mesures semblent d'ores et déjà faire l'objet d'un consensus, à commencer par le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES) - dispositif de gestion des crises financières mis en place en 2012 - qui permettrait de débloquer des lignes de crédit allant jusqu'à 2% du PIB d'un pays qui solliciterait cette aide, soit, au total, 240 milliards d'euros.

Pour ses partisans, le recours au MES constitue une alternative valable à l'émission de coronabonds.

Deuxième piste qui semble validée, apporter 25 milliards d'euros de garanties à la Banque européenne d'investissement (BEI) qui lui permettrait d'accorder en retour jusqu'à 200 milliards de prêts additionnels.

La troisième piste qui semble retenue à ce stade porte sur la proposition de la Commission européenne de lever 100 milliards d'euros sur le marché, garantis par les Vingt-Sept, pour financer un mécanisme de chômage partiel où les Etats prendraient en charge une partie des salaires.

La création proposée par la Commission et les Pays-Bas d'un fonds d'urgence de 20 milliards d'euros pour l'achat d'équipements médicaux et de produits de santé constitue la dernière piste que les ministres devraient approuver ce mardi.

"PAS SURPRENANT QUE LES AVIS DIVERGENT"

Les ministres devraient aussi prendre note - qui ne veut pas dire entériner - de la proposition française de création d'un Fonds de solidarité ou Fonds de relance censé financer des mesures de relance à long terme par un emprunt au niveau de la Commission européenne par exemple.

"Imaginez demain qu'après une crise d'une violence qui n'est comparable qu'à celle de 1929, vous ayez des Etats qui redémarrent très vite parce qu'ils en ont les moyens et d'autres qui redémarrent très lentement (...). L'Europe ne résistera pas à cela, elle explosera si elle ne fait pas preuve de solidarité", a exposé Bruno Le Maire lundi.

Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a lui aussi insisté sur la nécessaire solidarité entre Européens.

"Si une économie venait à sombrer, c'est toute l'Europe qui va défaillir car nous sommes trop intégrés aujourd'hui", a-t-il souligné lundi, ouvrant la porte à ce Fonds de relance. "Il faut que chacun puisse emprunter de façon équitable sans laisser quiconque sur le bord de la route. C'est la raison pour laquelle toutes les options doivent être présentées, y compris celle d'un fonds de relance."

Mais le projet se heurte à la ligne rouge du camp conduit par les Pays-Bas et l'Allemagne: pas de mutualisation de la dette. "Sur la responsabilité commune de tous les gouvernements, il n'est pas surprenant que les avis divergent", a relevé un haut responsable européen partie prenante dans la réunion de l'Eurogroupe. "Plus de travail et plus de discussions sont clairement nécessaires."

(avec Gabriela Baczynska à Bruxelles et Nicolas Delame à Paris; version française Henri-Pierre André, édité par Jean-Michel Bélot)