Le Burkina Faso a voté malgré la montée des violences djihadistes

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Le burkina faso vote malgre la montee des violences djihadistes[reuters.com]
(Crédits : Zohra Bensemra)

OUAGADOUGOU (Reuters) - Les électeurs burkinabè se sont rendus aux urnes dimanche pour des élections présidentielle et législatives dominées par la montée des violences djihadistes, qui ont fait plus de 2.000 morts cette année et ont empêché le vote dans des centaines de villages.

Le président sortant, Roch Marc Kaboré, qui espère obtenir un deuxième mandat de cinq ans, a fait campagne sur des réalisations telles que la gratuité des soins de santé pour les enfants de moins de cinq ans et le pavage de routes à travers le pays. Mais la recrudescence des attaques de groupes ayant des liens avec Al-Qaïda et l'Etat islamique a éclipsé tout le reste.

"J'appelle tous les Burkinabè à voter, quel que soit leur penchant. Il s'agit de la démocratie du Burkina Faso, c'est une question de développement, c'est une question de paix" a déclaré Roch Marc Kabore aux journalistes après avoir voté dans une école de Ouagadougou.

Les élections se sont déroulées sans heurts dans la capitale et aucun incident significatif n'a été signalé ailleurs pendant le vote. Dans l'Est, certains bureaux de vote ont toutefois dû être fermés en raison de menaces, selon la commission électorale.

Longtemps présenté comme une exception dans une région agitée, le Burkina Faso a peu à peu été happé par la spirale de violence qui s'est emparée ces dernières années de l'essentiel de l'Afrique de l'Ouest.

Selon le projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), l'insurrection islamiste liée aux mouvances Al Qaïda et Etat islamique a fait plus de 2.000 morts et plus d'un million de déplacés sur la seule année 2020.

DES CENTAINES DE VILLAGES N'ONT PAS PU VOTER

Et quelque 400.000 personnes, 7% environ du corps électoral, n'ont pas pu voter ce dimanche faute d'accès aux bureaux de vote, disent des statistiques officielles qui ne prennent pas en compte le sort des déplacés. Dans des centaines de villages, les bureaux de vote n'ont même pas ouvert.

"J'aime bien Kaboré, mais il n'a pas réussi à faire régner la sécurité. Le nord a été oublié, il n'y a pas d'autorité gouvernementale là-bas", a déclaré Tiadiane Bonkoungou, qui vend des couvertures et des rideaux sur un marché de Ouagadougou.

Les jeux sont loin d'être faits pour Roch Marc Kaboré, qui a succédé à Blaise Compaoré après une brève période de transition, notent les observateurs.

Au total, des 13 candidats à la présidentielle, deux opposants semblent en mesure d'empêcher sa réélection: l'ancien ministre des Finances Zéphirin Diabré, battu par Roch Marc Kaboré lors du deuxième tour de la présidentielle de 2015, et Eddie Komboïgo, chef de file du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), la formation politique de Blaise Compaoré.

Si le premier peut se targuer d'une forte popularité dans les rangs de la jeunesse, le second bénéficie des réseaux tissés des années durant par l'ancien président, qui occupa le pouvoir pendant 27 ans.

L'un comme l'autre ont fait de la situation sécuritaire l'un de leurs principaux arguments de campagne, un sujet qui fragilise Roch Marc Kaboré qui avait obtenu en 2015 un fort soutien des localités rurales aujourd'hui victimes de l'exode.

"Traditionnellement, les villes ne sont pas favorables au président sortant. La situation actuelle pourrait amenuiser les chances de Kaboré de l'emporter", commentait récemment Siaka Coulibaly, un analyste politique burkinabè.

Les résultats provisoires du premier tour sont attendus en milieu de semaine. Un second tour sera nécessaire si aucun candidat ne remporte plus de 50% des voix.

(Edward McAllister, version française Camille Raynaud, Nicolas Delame, Henri-Pierre André et Elizabeth Pineau)