L'Arabie saoudite et le Qatar affichent leur réconciliation

reuters.com  |   |  839  mots
L'emir du qatar en route pour l'arabie saoudite, apres trois ans de crise[reuters.com]
(Crédits : Qatar News Agency)

par Aziz El Yaakoubi

AL ULA, Arabie saoudite (Reuters) - L'Arabie saoudite et le Qatar ont affiché mardi leur réconciliation à l'occasion du sommet annuel du Conseil de coopération du Golfe (CCG) au cours duquel le prince héritier saoudien Mohamed ben Salman, après avoir donné une accolade à l'émir du Qatar, s'est efforcé de mettre en avant une unité arabe face à l'Iran, conforme aux souhaits des Etats-Unis.

La déclaration finale du sommet ne contient qu'un vague engagement à la solidarité entre pays du Golfe mais le ministre saoudien des Affaires étrangères a annoncé que le royaume et ses alliés avaient accepté de rétablir leurs relations avec le Qatar et de renforcer une alliance arabe face à Téhéran.

"Il y a la volonté politique et la bonne foi" de garantir la mise en oeuvre de cet accord, a dit Fayçal ben Farhan al Saoud au cours d'une conférence de presse.

Son homologue qatarien, cheikh Mohamed ben Abdoulrahman al Thani, a pour sa part écrit sur Twitter que les dirigeants du Golfe avaient "tourné la page des désaccords (...) et souhaitent ouvrir un nouveau chapitre" de solidarité.

Le chef de la diplomatie des Emirats arabes unis, Anouar Gargach, a adopté un ton plus prudent sur la chaîne de télévision Al Arabiya en déclarant: "Il nous faut être réalistes sur la nécessité de rétablir la confiance et la cohésion."

L'Arabie, suivie par les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte, imposait depuis juin 2017 un embargo économique et diplomatique au Qatar, jugé notamment trop proche de l'Iran, grand rival régional de Ryad.

Dès lundi, le Koweït, qui a fait oeuvre de médiateur avec les Etats-Unis, a annoncé que l'Arabie saoudite allait rouvrir son espace aérien et ses frontières au Qatar, lequel, selon un responsable américain, va mettre fin aux procédures juridiques lancées contre l'embargo qu'il subissait.

BEN SALMAN SALUE L'UNITÉ ARABE

La réconciliation entre Ryad et Doha, obtenue par les Etats-Unis deux semaines avant la fin du mandat du président américain sortant Donald Trump, a été symbolisée avant même l'ouverture du sommet par l'accolade donnée par Mohamed ben Salman à l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al Thani, sur le tarmac de l'aéroport de la cité saoudienne d'Al Ula.

Dans son discours d'ouverture en présence de Jared Kushner, gendre et conseiller de Donald Trump, le prince héritier saoudien a déclaré que l'accord d'Al Ula "confirme l'unité et la stabilité arabes, islamiques et dans le Golfe".

Le dirigeant de fait du royaume wahhabite a ajouté que la menace constituée par les programmes nucléaire et balistique de l'Iran ainsi que ses "projets subversifs et destructeurs" nécessitaient une "action sérieuse" de la communauté internationale.

Dans un message sur Twitter, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a félicité le Qatar, qui a constamment rejeté les accusations de ses voisins arabes, pour le "succès de sa courageuse résistance à la pression et au chantage".

Cette réconciliation entre pays du Golfe survient après une série d'accords de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes, obtenus là aussi par Jared Kushner pour les Etats-Unis, désireux de constituer un front uni contre l'Iran.

D'après des diplomates et des observateurs, l'Arabie saoudite était en outre prête à mettre fin à ce conflit diplomatique afin de s'afficher auprès de Joe Biden, qui succédera à Donald Trump le 20 janvier à la présidence des Etats-Unis, comme une puissance pacificatrice et ouverte au dialogue.

ÉVITER DES PRESSIONS DE JOE BIDEN

Le futur président américain a prévenu qu'il adopterait une position plus ferme à l'égard de Ryad concernant les droits humains et la guerre au Yémen.

Sur l'Iran, Joe Biden a affiché sa volonté de ramener les Etats-Unis dans l'accord nucléaire de Vienne de 2015 si Téhéran en respecte les termes.

"Cet (accord d'Al Ula) semble dicté par un désir de prévenir toute pression de la part d'une administration Biden à venir, plus qu'un engagement sincère à une résolution de conflit", a dit Emadeddin Badi, chercheur associé à l'Atlantic Council.

Tous les pays impliqués dans ce conflit diplomatique sont des alliés de Washington. Les Etats-Unis disposent de 10.000 soldats au Qatar, qui abrite leur plus importante base militaire dans la région. Des militaires américains stationnent aussi aux Emirats arabes unis, à Bahreïn, où est basée la Cinquième Flotte américaine, et en Arabie saoudite.

Outre leur embargo diplomatique et commercial, l'Arabie et ses alliés exigeaient du Qatar l'arrêt de la chaîne de télévision Al Djazira, la fermeture d'une base militaire turque, la rupture de tout lien avec les Frères musulmans et une prise de distance vis-à-vis de l'Iran.

(Avec Raya Jalabi à Dubaï et Alaa Swilam au Caire, version française Jean-Philippe Lefief et Bertrand Boucey)