Total, en désaccord sur le climat, quitte l'American Petroleum Institute

reuters.com  |   |  723  mots
Total, en desaccord sur le climat, quitte l'american petroleum institute[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

par Ron Bousso

LONDRES (Reuters) - Total a annoncé vendredi son retrait de l'American Petroleum Institute (API), la principale fédération des industriels des hydrocarbures aux Etats-Unis, en raison de désaccords avec ses positions sur le climat.

Le groupe français évoque dans un communiqué des "divergences" avec l'API sur plusieurs points, parmi lesquels le "relâchement" de la réglementation américaine sur les émissions de méthane, les subventions en faveur des véhicules électriques - auxquelles s'oppose l'organisation américaine - et la tarification du carbone.

La fédération a remercié Total pour son adhésion passée, mais a fait remarquer qu'elle ne soutenait pas les subventions à l'énergie, estimant qu'elles faussaient les marchés.

"Par ailleurs, l'API s'est engagée lors des récentes élections en faveur de candidats qui s'étaient exprimés contre le soutien des Etats-Unis à l'Accord de Paris", ajoute Total.

"Nous nous sommes engagés à nous assurer, de manière transparente, que les associations professionnelles auxquelles nous adhérons portent des positions et des messages alignés avec ceux du groupe dans la lutte contre le réchauffement climatique", a déclaré Patrick Pouyanné, son PDG, dans le communiqué.

"Cette transparence répond aux attentes de nos parties prenantes mais c'est également un gage indispensable de la crédibilité de notre stratégie".

L'API, qui revendique plus de 600 membres, producteurs, raffineurs et distributeurs d'énergie aux Etats-Unis, explique sur son site internet vouloir "influencer les politiques publiques en faveur d'une industrie américaine du pétrole et du gaz naturel forte et viable".

La fédération a défendu son bilan en matière de lutte contre les émissions carbone, notant que les avancées technologiques de l'industrie avaient permis de réduire les taux d'émissions de dioxyde de carbone et de méthane dans les grandes régions productrices de pétrole.

"Nous pensons que les défis énergétiques et environnementaux mondiaux sont suffisamment importants pour que de nombreuses approches différentes soient nécessaires pour les résoudre, et nous bénéficions d'une diversité de points de vue", a déclaré l'API.

L'année dernière, Total a annoncé des plans de réduction de ses émissions de carbone dans le but d'atteindre des émissions nettes nulles en Europe d'ici 2050, ou plus tôt.

SUIVRE LE MOUVEMENT

Pour les investisseurs, la décision de Total pourrait forcer la main à d'autres acteurs européens majeurs comme BP et Royal Dutch Shell.

"Il n'y a tout simplement aucune justification à ce qu'une association et des lobbies fassent reculer les réglementations sur les émissions et sapent les actions urgentes en faveur du climat", a déclaré Jeanett Bergan, à la tête de l'investissement responsable chez KLP, le plus grand fonds de pension norvégien.

Total, qui a produit environ 343.000 barils d'équivalent pétrole par jour au troisième trimestre sur le continent américain, y exploite des champs pétroliers et gaziers offshore dans le golfe du Mexique, une importante usine de raffinage et de pétrochimie à Port Arthur, au Texas, ainsi que des entreprises d'énergie renouvelable.

Les principales entreprises européennes du secteur de l'énergie ont présenté des plans visant à réduire les émissions carbone et à accroître la production d'énergie renouvelable après des années de pression croissante des investisseurs.

Total, BP et Shell se sont déjà retirés de l'American Fuel & Petrochemical Manufacturers (AFPM), un groupe américain de raffinage du pétrole, également en raison de divergences sur les politiques climatiques.

Jusqu'à vendredi, ces entreprises avaient choisi de rester membres de l'API.

Pour Andrew Logan, directeur des programmes pétroliers et gaziers et des énergies renouvelables du groupe d'investissement CERES, cette annonce est significative et elle pourrait mettre la pression sur les autres majors pétrolières européennes.

"Étant donné la taille et l'influence de l'API, c'est une décision bien plus importante que les précédentes de se retirer d'associations industrielles plus spécialisés comme l'AFPM. Je pense que nous verrons d'autres compagnies suivre le mouvement", a ajouté Andrew Logan.

(Ron Bousso, Matthew Green et Shadia Nasralla à Londres, Nerijus Adomaitis à Oslo, et Valerie Volcovici à Washington; Version française Marc Angrand et Kate Entringer, édité par Blandine Hénault et Jean-Michel Bélot)