Allemagne : Merkel rejette les critiques à son encontre sur l'affaire Wirecard

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Allemagne: audition de merkel devant une commission d'enquete sur l'affaire wirecard[reuters.com]
(Crédits : Pool)

par John O'Donnell et Christian Kraemer

FRANCFORT (Reuters) - Auditionnée devant une commission d'enquête parlementaire, Angela Merkel a rejeté vendredi les accusations à son encontre pour avoir fait la promotion de la société de paiement Wirecard en Chine quelques mois avant son effondrement.

Invitée par cette commission à s'expliquer sur les motifs qui l'ont poussé à vanter les mérites de cet ancien fleuron de la technologie lors d'une visite d'Etat à Pékin en septembre 2019, la chancelière allemande a déclaré qu'elle n'avait aucune raison de soupçonner la société d'activités illégales. Elle a ajouté qu'elle voulait seulement l'aider à conclure des affaires en Chine.

Selon Angela Merkel, son intervention en faveur de Wirecard s'inscrivait dans le cadre du programme de soutien aux entreprises allemandes lors de ses déplacements à l'étranger, une initiative considérée par la chancelière comme une partie normale de son travail.

"Ce que l'on sait depuis l'été 2020 (...) à propos de Wirecard n'était pas connu en 2018-2019", a assuré Angela Merkel.

"Il n'y avait aucune raison de penser qu'il y avait des irrégularités graves, malgré les articles de presse", a-t-elle ajouté.

Wirecard, dont la capitalisation boursière a atteint jusqu'à 28 milliards de dollars (23 milliards d'euros), moins de deux ans après son admission à la Bourse de Francfort, a déposé l'an dernier le bilan après la découverte d'un trou de 1,9 milliard d'euros dans ses comptes.

Alors que Karl-Theodor zu Guttenberg, ancien ministre allemand de l'Economie, s'était parallèlement engagé à l'époque à soutenir davantage Wirecard, Angela Merkel a fait un récit vague de sa rencontre avec cet homme peu de temps avant son voyage en Chine. La chancelière dit ne plus se souvenir d'avoir évoqué le sujet avec lui.

Le témoignage de la chancelière est le point d'orgue d'une enquête publique sur une affaire qui a entaché la réputation de rigueur de l'Allemagne, révélé des liens entre les milieux politiques et ceux des affaires et provoqué des démissions en cascade ainsi que des poursuites devant les tribunaux.

LE CABINET D'AUDIT EY REMIS EN CAUSE

Avant Angela Merkel, le ministre des Finances, Olaf Scholz, avait rejeté toute responsabilité dans le scandale provoqué par Wirecard, estimant que la faute en incombait au cabinet au cabinet d'audit EY, chargé de certifier les comptes du groupe de paiement.

La chancelière souligne que les comptes du groupe ont été approuvés par EY et qu'elle n'avait aucune raison de douter des informations que lui avaient transmises Olaf Scholz.

"Il n'y a pas de protection à 100% contre les comportements délictueux", a-t-elle déclaré.

Le cabinet EY dit pour sa défense avoir agi de manière professionnelle.

De nombreuses preuves collectées dans le cadre de l'enquête donnent à penser que les responsables allemands ont pris des décisions sans être au courant de la situation de Wirecard. Les parlementaires estiment cependant que les contacts de Wirecard avec d'anciens responsables politiques et du renseignement ont permis de mettre le groupe à l'abri des critiques.

Le système fédéral allemand avec des autorités de contrôle dispersées a en outre pu donner l'impression à Wirecard qu'il pouvait agir à sa guise.

Les parlementaires accusent le gouvernement allemand d'avoir fermé sciemment les yeux sur la situation comptable de Wirecard jusqu'à son effondrement l'an dernier.

"La chancelière a fait pression en faveur de Wirecard auprès de l'homme le plus puissant de Chine", a déclaré Fabio De Masi, l'un des parlementaires à la tête de cette commission d'enquête. Il se demande pourquoi la chancelière a accordé une telle faveur au groupe.

Pour Stephan Klaus Ohme, de Transparency International, la débâcle de Wirecard a montré les failles du modèle de "laissez faire" allemand à l'égard de l'industrie.

"En Allemagne, on doit s'en tenir aux règles, mais si on y contrevient, il ne se passe rien. Les sanctions sont ridicules", a-t-il déploré.

(Avec Paul Carrel et Tom Sims; version française Claude Chendjou, édité par Jean-Michel Bélot)