La Franco-Vietnamienne Tran To Nga poursuit son combat contre l'agent orange

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La franco-vietnamienne tran to nga poursuit son combat contre l'agent orange[reuters.com]
(Crédits : Sarah Meyssonnier)

PARIS (Reuters) - La Franco-Vietnamienne Tran To Nga a promis mardi de poursuivre son combat judiciaire pour faire reconnaître les droits des victimes de l'"agent orange", un herbicide hautement toxique utilisé par l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam.

Le tribunal d'Evry a jugé lundi irrecevable la plainte que Tran To Nga, 79 ans, avait déposée contre 14 multinationales agrochimiques qui avaient fourni au gouvernement américain le produit à haute teneur en dioxine.

"Je suis déçue, je suis même en colère, mais je ne suis pas triste", a déclaré Tran To Nga mardi pendant une conférence de presse. "On a déjà gagné car on a réussi (...) à faire ressurgir du passé le crime de l'agent orange. C'est une grande partie de la mission accomplie."

La Franco-vietnamienne, qui a souffert d'"au moins cinq maladies" pouvant avoir un lien avec l'agent orange, dont un cancer, a confirmé sa volonté de faire appel du jugement, même si cette procédure durera plusieurs années et s'éteindra si jamais elle venait à décéder.

"On avance parce que la cause est juste. On avance pour la justice, pour la vérité, pour les gens plus malheureux que nous", a-t-elle dit en se réjouissant de l'énorme écho rencontré par son combat dans le monde entier, et notamment au Vietnam.

L'aviation américaine a déversé pendant la guerre 68 millions de litres d'agent orange (ainsi surnommé en raison de la couleur peinte sur les fûts de stockage) sur la jungle servant d'abri aux combattants nord-vietnamiens et sur les cultures au Vietnam du Nord.

Tran To Nga dit avoir été contaminée alors qu'elle couvrait les combats en tant que jeune journaliste.

Outre son cancer, elle souffre depuis de tuberculose, de diabète de type 2, d'une rare allergie à l'insuline et de problèmes cardiaques. Autant de maladies qui peuvent être reliées à la dioxine en raison de son effet sur le système immunitaire. Elle a également perdu un bébé né avec des malformations au coeur. Ses deux autres filles ont aussi des malformations.

AUCUN VIETNAMIEN DÉDOMMAGÉ

"Si mes demandes sont irrecevables, je peux dire que les conclusions du tribunal sont aussi irrecevables pour moi", a-t-elle souligné.

Tran To Nga, qui a porté plainte en 2014 après l'inscription dans la loi française de la "compétence universelle" des tribunaux, espère toujours que les fabricants de l'agent orange, parmi lesquels Dow Chemicals et Bayer-Monsanto devront un jour rendre des comptes.

Une de ses avocates, Me Amélie Lefebvre, a aussi déploré qu'en retenant l'irrecevabilité, le tribunal n'ait pas "examiné les arguments sur le fond".

"Ces sociétés étaient libres de répondre aux appels d'offre du gouvernement américain (...) Elles ont commis une faute parce qu'elles ont fabriqué ce produit en connaissant sa toxicité et en dissimulant cet élément", a-t-elle dit, balayant l'argument retenu par le tribunal selon lequel elles avaient "agi sous contrainte" en période de guerre.

Seuls des vétérans de l'armée américaine et de pays alliés ont jusqu'à présent reçu des réparations pour les dégâts provoqués par l'agent orange. La justice américaine a en revanche confirmé en 2008 le rejet d'une plainte au civil déposée par des Vietnamiens.

Aucun des millions de Vietnamiens affectés d'une manière ou d'une autre par l'agent orange n'a été dédommagé à ce jour.

Tran To Nga a déclaré qu'elle avait refusé de négocier un arrangement financier avec les sociétés contre lesquelles elle a porté plainte.

"Je serais peut-être un peu riche mais les victimes devraient encore attendre (qu'on leur fasse réparation) je ne sais pas jusqu'à quand", a-t-elle expliqué. "J'ai toujours confiance en la justice."

(Tangi Salaün)