Brexit : Londres demande à l'UE un nouveau compromis sur l'Irlande du Nord

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Brexit: des distributeurs menacent de deplacer leurs chaines d'approvisionnement[reuters.com]
(Crédits : Henry Nicholls)

par Michael Holden et William James

LONDRES/BRUXELLES (Reuters) - La Grande-Bretagne a réclamé mercredi un nouvel accord à l'Union européenne pour surmonter les problèmes commerciaux liés à l'Irlande du Nord et n'a pas exclu de prendre des initiatives unilatérales qui s'éloigneraient de l'accord sur le Brexit conclu l'an dernier.

"Nous ne pouvons pas continuer ainsi", a dit le ministre britannique chargé du Brexit, David Frost, au Parlement.

"Nous voyons une occasion de procéder différemment, de trouver un nouveau chemin pour tenter de nous entendre avec l'UE via la négociation, un nouvel équilibre dans nos arrangements concernant l'Irlande du Nord, au bénéfice de tous", a-t-il ajouté.

Le coeur du litige entre les deux parties repose sur le protocole nord-irlandais, inclus dans l'accord sur le Brexit. Il est destiné à préserver l'accord de paix dit du Vendredi-Saint, conclu en 1998, en évitant le rétablissement d'une frontière physique entre la République d'Irlande, membre de l'UE, et la province britannique d'Irlande du Nord.

Ce protocole, également destiné à protéger le marché unique européen, a entraîné des contrôles sur des marchandises, telles les saucisses, expédiées de Grande-Bretagne vers l'Irlande du Nord, suscitant le mécontentement du Premier ministre britannique Boris Johnson, pourtant signataire de l'accord de Brexit, et surtout des unionistes nord-irlandais, qui refusent toute différence de traitement avec le reste du Royaume-Uni.

Reuters a rapporté lundi que Londres menaçait de s'écarter de l'accord de Brexit.

Thomas Byrne, le ministre irlandais des Affaires étrangères, a réagi aux propos de David Frost en disant que son pays était prêt à faire preuve de souplesse sur le protocole nord-irlandais mais qu'il ne souhaitait pas une renégociation du traité de divorce sur le Brexit.

"Une souplesse est possible. Notre position est que nous ne voulons pas renégocier le protocole", a-t-il déclaré sur Sky.

Maros Sefcovic, le vice-président de la Commission européenne chargé du Brexit, a dit pour sa part que le bloc communautaire s'emploierait à trouver des "solutions créatives" aux difficultés commerciales liés à l'Irlande du Nord mais qu'il ne renégocierait pas l'accord du Brexit.

"Nous sommes prêts à continuer à rechercher des solutions créatives, dans le cadre du protocole, dans l'intérêt de toutes les communautés d'Irlande du Nord. Mais nous n'accepterons pas une renégociation du protocole", a-t-il déclaré.

"Le protocole (...) est la solution conjointe que l'UE a trouvée avec le Premier ministre Boris Johnson et Lord David Frost - et elle a été ratifiée par le Parlement britannique", a-t-il rappelé. Il a ajouté que pour que les objectifs du protocole soient atteints, il devait être mis en oeuvre.

"NOUVEL ÉQUILIBRE"

Selon David Frost, la Grande-Bretagne souhaite un nouvel "équilibre" qu'elle présente dans un document dans lequel la gestion de l'accord ne relèverait plus des institutions de l'UE et de la Cour de justice européenne mais d'un "cadre de traité normal", "plus propice au sens d'un partenariat authentique et équitable".

"Ces propositions nécessiteront des modifications importantes du protocole d'Irlande du Nord", souligne David Frost. "Nous ne reculerons pas sur cela, nous pensons qu'un tel changement est nécessaire pour faire face à la situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés", a-t-il ajouté.

Le ministre britannique chargé du Brexit estime en outre qu'une renégociation des traités n'a rien d'inhabituel. Selon lui, l'article 16 du protocole autorise des initiatives unilatérales.

Jeffrey Donaldson, le chef du Parti unioniste démocrate d'Irlande du Nord, a salué mercredi la nouvelle demande de Londres, estimant qu'il s'agit d'une "première étape importante" qui doit être suivie d'une "renégociation appropriée".

"Il s'agit d'un pas important du gouvernement dans la bonne direction et d'une reconnaissance que le protocole (d'Irlande du Nord) n'est pas viable", a-t-il dit.

Même si les contrôles douaniers, mis en oeuvre dans le cadre du protocole nord-irlandais, se sont déroulés jusqu'à présent sur un mode allégé, plusieurs distributeurs britanniques, comme Marks & Spencer, ont dit rencontrer déjà des difficultés pour expédier des marchandises vers certains Etats membres de l'UE.

Ces distributeurs ont menacé de déplacer leurs chaînes d'approvisionnement du Royaume-Uni vers l'UE.

La mise en oeuvre de l'intégralité des contrôles douaniers, initialement prévue en mars, a été prolongée unilatéralement par la Grande-Bretagne. L'UE a accepté un délai jusqu'à fin septembre, pour parvenir notamment à une solution sur le différend appelé "la guerre de la saucisse".

David Frost a plaidé pour une "période de statu quo" qui prolongerait les dérogations actuelles et un gel des actions en justice en cours.

(Reportage William James et Michael Holden, avec Jan Strupczewski à Bruxelles, Guy Faulconbridge et Conor Humphries, version française Bertrand Boucey et Claude Chendjou, édité par Jean-Michel Bélot)