Biden prévient Poutine de sanctions en cas d'invasion de l'Ukraine

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Ukraine: biden a fait part a poutine de ses vives preoccupations[reuters.com]
(Crédits : Handout)

par Steve Holland, Andrew Osborn et Andrea Shalal

WASHINGTON/MOSCOU (Reuters) - Le président américain Joe Biden a prévenu mardi son homologue russe Vladimir Poutine que des mesures économiques fortes seraient prises contre la Russie en cas d'escalade militaire contre l'Ukraine, une offensive que Moscou dément préparer, disant à l'inverse redouter les intentions de Kiev et de l'Otan.

Joe Biden et Vladimir Poutine se sont entretenus par visioconférence pendant deux heures de la situation en Ukraine et d'autres sujets, dont les attaques informatiques et l'Iran, alors que les tensions entre les Etats-Unis et la Russie ont atteint un pic inédit depuis la Guerre froide.

Les deux dirigeants sont convenus de la nécessité pour Washington et Moscou de continuer de dialoguer, mais rien ne semblait indiquer, dans les compte-rendus de l'entretien virtuel effectués par la Maison blanche et par le Kremlin, un rapprochement des positions américaine et russe.

Joe Biden a déclaré à Vladimir Poutine que les puissances occidentales étaient préoccupées par une potentielle invasion russe de l'Ukraine, a rapporté la Maison blanche.

Moscou, qui nie tout projet d'attaque contre l'Ukraine et assure avoir déployé des troupes à des fins défensives, a déclaré que c'était une "erreur" d'imputer à la Russie toute la responsabilité des tensions actuelles près de l'Ukraine.

A Paris, l'Elysée a indiqué dans un communiqué que Joe Biden avait rendu compte aux dirigeants des autres pays du "Quint" - France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie - de ses échanges avec Vladimir Poutine. Une "approche coordonnée et exhaustive" face au déploiement de troupes russes avait été discutée lundi par le "Quint".

Les cinq chefs d'Etat et de gouvernement demeurent "vigilants" sur de potentielles actions agressives de la Russie contre l'Ukraine et ont réaffirmé mardi leur détermination à garantir la souveraineté, la stabilité et la sécurité de l'Ukraine, a déclaré la présidence française.

Rendant compte de cet entretien, un porte-parole du Premier ministre britannique Boris Johnson a fait savoir que les dirigeants ont "souligné l'importance que la Russie cesse ses comportements menaçants envers l'Ukraine".

Emmanuel Macron s'entretiendra "dans les prochains jours" de la situation en Ukraine avec son homologue ukrainien Volodimir Zelenski et avec son homologue russe Vladimir Poutine, a indiqué l'Elysée.

MOSCOU DEMANDE DES GARANTIES SÉCURITAIRES

Washington a dit avoir reçu de Berlin des garanties qu'il prendrait des mesures contre le gazoduc Nord Stream 2, qui relie la Russie à l'Allemagne, si Moscou lançait des "actions agressives" contre l'Ukraine.

Le Kremlin a indiqué dans un communiqué que Vladimir Poutine avait demandé à Joe Biden des garanties juridiques excluant tout expansion de l'Otan vers l'Est et tout déploiement par l'Alliance de systèmes d'armement offensifs dans des pays proches de la Russie.

Les deux dirigeants sont convenus que leurs subordonnés allaient entamer des consultations sur les "questions sensibles" autour de l'Ukraine, a déclaré la présidence russe.

Joe Biden a fait part des "vives préoccupations des Etats-Unis et de nos alliés européens à propos de l'escalade des troupes russes entourant l'Ukraine", a rapporté de son côté la Maison blanche, ajoutant qu'il avait "fait comprendre" que les puissances occidentales "répondraient avec des mesures économiques fortes et d'autres mesures" en cas d'offensive.

Le président américain a réaffirmé son soutien à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de l'Ukraine, appelant à la désescalade et au retour à la voie diplomatique entre Moscou et Kiev, a déclaré la Maison blanche dans un communiqué.

Joe Biden et Vladimir Poutine sont convenus que leurs équipes resteraient en contact pour effectuer le suivi de cet entretien, a-t-elle ajouté.

Des sanctions ciblées contre des proches de Vladimir Poutine sont aussi à l'étude, mais aucune décision n'a été prise pour le moment à ce sujet, avait dit au préalable une source américaine au fait de la question.

Selon des images diffusées par la télévision russe, Joe Biden et Vladimir Poutine se sont salués chaleureusement au début de leur entretien, qui constituait leur premier échange direct depuis juillet dernier après un sommet en face-à-face un mois plus tôt à Genève.

L'UE DISPOSÉE À SANCTIONNER LA RUSSIE

Etats-Unis et Russie espèrent qu'une nouvelle rencontre pourra être organisée entre Joe Biden et Vladimir Poutine afin de discuter des tensions entre les deux pays, qui affichent notamment des divergences sur la Syrie tandis que Washington a infligé des sanctions économiques à la Russie pour des attaques informatiques dont Moscou rejette toute responsabilité.

Un conseiller du Kremlin a déclaré que la question d'un nouveau sommet bilatéral en face-à-face n'avait pas été évoquée lors de l'entretien entre les deux dirigeants.

L'Ukraine et les puissances occidentales s'inquiètent de la présence de dizaines de milliers de soldats russes près de la frontière ukrainienne.

Washington appelle les deux pays à revenir dans le cadre d'accords signés en 2014 et 2015 destinés à mettre fin au conflit dans le Donbass.

Moscou dit lui s'inquiéter des soldats déployés par Kiev dans l'est de l'Ukraine, dont il met en doute les intentions, et de l'expansion jugée menaçante de l'Otan à proximité du territoire russe - une "ligne rouge" aux yeux de la Russie.

Le Kremlin veut des garanties que l'Ukraine ne recourra pas à la force pour tenter de reprendre le territoire perdu en 2014 face aux forces séparatistes pro-russes. Kiev dément de telles aspirations.

A l'heure où débutait l'entretien entre Joe Biden et Vladimir Poutine, la présidente de la Commission européenne a prévenu que l'Union européenne était prête à imposer de nouvelles sanctions à la Russie en cas d'agression contre l'Ukraine. Ursula von der Leyen a également prévenu que Bruxelles n'hésiterait pas à sanctionner Moscou.

"Nous répondrons à toute nouvelle agression (russe) en renforçant et en étendant les sanctions existantes", a-t-elle déclaré sur Twitter. "Nous sommes prêts à prendre de nouvelles mesures restrictives, en coordination avec nos partenaires."

(Reportage Steve Holland et Andrea Shalal à Washington, Andrew Osborn à Moscou, avec Idrees Ali et Trevor Hunnicutt à Washington, Gleb Stolyarov, Dmitry Antonov et Tom Balmforth à Moscou, Marine Strauss à Bruxelles et Alistair Smout à Londres; version française Jean Terzian et Tangi Salaün)