L'impact du risque climatique pourrait surpasser celui de la crise énergétique, selon ESA

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L'impact du risque climatique pourrait surpasser celui de la crise energetique, selon esa[reuters.com]
(Crédits : Stephane Mahe)

par Tim Hepher

PARIS (Reuters) - Les dommages économiques causés par les vagues de chaleur et la sécheresse pourraient surpasser l'impact de la crise énergétique traversée par l'Europe, a mis en garde le directeur de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui appelle à une action urgente pour lutter contre le changement climatique.

Les vagues de chaleur successives, les incendies de forêt, le rétrécissement des cours d'eau et la hausse des températures terrestres mesurées depuis l'espace ne laissent aucun doute quant aux conséquences du dérèglement climatique sur l'agriculture et d'autres secteurs, a déclaré Josef Aschbacher à Reuters.

"Aujourd'hui, nous sommes très préoccupés par la crise énergétique, et à juste titre. Mais cette crise est très faible comparée à l'impact du changement climatique, qui est d'une ampleur bien plus grande et doit vraiment être combattu extrêmement rapidement", a-t-il ajouté.

Les vagues de chaleur et les inondations qui se multiplient suscitent des inquiétudes quant aux conditions météorologiques extrêmes dans le monde.

Plus de 57.200 hectares ont été ravagés par des feux de forêt en France cette année, soit près de six fois la moyenne annuelle.

L'Espagne a connu en juillet son mois le plus chaud depuis au moins 1961, en raison de la longue période de sécheresse.

Le Grand Lac salé de l'Utah, aux Etats-Unis, et le Pô, en Italie, sont à leur plus bas niveau jamais enregistré. En France, la Loire est désormais sous surveillance et en Allemagne, la faible niveau des eaux du Rhin menace la croissance économique.

Mardi, la Grande-Bretagne par ailleurs émis un nouvel avertissement orange de "chaleur extrême" après des températures record de plus de 40 degrés Celsius.

"La situation est assez grave. Nous avons vu des extrêmes qui n'avaient jamais été observés auparavant", a déclaré cette semaine le directeur de l'ESA à Reuters.

La montée des températures touche également la surface terrestre : les satellites Copernicus Sentinel-3 de l'ESA ont mesuré ces dernières semaines des températures "extrêmes" à la surface des sols, supérieures à 45°C en Grande-Bretagne, 50°C en France et 60°C en Espagne, a précisé Josef Aschbacher.

"C'est vraiment l'ensemble de l'écosystème qui change très, très vite et beaucoup plus vite que ce que les scientifiques prévoyaient jusqu'à il y a quelques années", a-t-il dit.

"Ce sont les sécheresses, les incendies, l'intensité des tempêtes, tout cela couplé ensemble, qui sont les signes visibles du changement climatique."

Les vents, avec les températures plus marquées, se renforcent et "les typhons sont beaucoup plus puissants qu'avant en termes de vitesse du vent et donc de dégâts".

MANQUE DE FINANCEMENT

Josef Aschbacher a été nommé à la tête de l'ESA, basée à Paris, l'année dernière, après avoir dirigé Copernicus, le programme d'observation de la Terre de l'Union européenne.

Les six familles de satellites Sentinel du programme sont chargés de lire les "signes vitaux" de la planète, évaluant le dioxyde de carbone, la hauteur des vagues ou encore les températures des terres et des océans.

Mais Copernicus est confronté à un déficit de financement lié au Brexit : 750 millions d'euros nécessaires pour contribuer au développement d'une deuxième génération de satellites, que la Grande-Bretagne aurait dû fournir par l'intermédiaire de l'Union européenne, sont actuellement en discussion.

L'ESA doit notamment discuter en novembre d'un paquet de financement pour l'observation de la Terre d'une valeur estimée à 3 milliards d'euros.

Face aux détracteurs de la lutte contre le changement climatique, Josef Aschbacher rejette ce qu'il appelle deux mythes.

"Le premier est que les gens pensent que l'on peut attendre et qu'en attendant, on va s'en sortir".

"Le second est que la lutte contre le changement climatique coûtera beaucoup d'argent (...) et affectera les personnes les plus pauvres, et que nous ne devrions pas le faire".

Ne pas tenir compte des avertissements tels que la crise météorologique de cette année pourrait coûter des centaines de milliers de milliards de dollars au cours du siècle, estime t-il.

"Bien sûr, il y a toujours eu des fluctuations météorologiques (...) mais jamais de cette ampleur. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que cela est dû au changement climatique."

(Reportage Tim Hepher, avec la contribution de Joey Roulette ; version française Kate Entringer)