Lourdes condamnations dans un dossier de fraude au CO2

reuters.com  |   |  661  mots
Lourdes condamnations dans un dossier de fraude au co2[reuters.com]
(Crédits : Nguyen Huy Kham)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Le tribunal correctionnel de Paris a condamné mercredi à des peines de un à neuf ans de prison les 12 protagonistes d'une gigantesque fraude à la TVA sur les quotas de CO2, le dossier "Crépuscule", du nom de la société au coeur de l'escroquerie.

Outre de lourdes amendes, ils ont aussi été condamnés, ainsi qu'une banque turque accusée de blanchiment, à payer à l'Etat français solidairement les 146 millions d'euros ainsi fraudés.

Seuls trois d'entre eux et un représentant de la Turkiye Garanti Bankazi était présents à la lecture du jugement.

L'homme d'affaires Cyril Astruc, 44 ans, considéré comme l'ordonnateur et un des principaux bénéficiaires de cette fraude commise d'avril 2008 à février 2009, déjà condamné par le passé et en fuite, a écopé de la peine la plus lourde : neuf ans et une amende d'un million d'euros assortis d'un mandat d'arrêt.

Sa soeur Pascale Astruc, qui vit en Israël, accusée d'avoir blanchi une partie du produit de la fraude, a pour sa part été condamnée en son absence à deux ans de prison et 750.000 euros d'amende, avec maintien d'un mandat d'arrêt à son encontre.

Un autre organisateur de ce "carrousel" de TVA, Richard Touil, 43 ans, récidiviste, lui aussi en fuite en Israël comme d'autres prévenus, a été condamné à huit ans de prison et un million d'euros d'amendes. Il est aussi sous mandat d'arrêt, comme les Astruc et trois autres protagonistes de ce dossier.

Le reste des condamnés, parmi lesquels des hommes de paille, simples comparses, des recruteurs mais aussi d'autres concepteurs, animateurs et "logisticiens" de la fraude, ont écopé de peines allant d'un à sept ans de prison, assorties pour la plupart d'amendes de 150.000 à un million d'euros.

Le tribunal a aussi condamné à une amende de huit millions d'euros la Turkiye Garanti Bankasi, accusée d'avoir participé au blanchiment en hébergeant des comptes par lesquels a transité une partie du produit de la fraude.

Le système mis au point par les condamnés pour profiter du marché de "droits à polluer" mis en place par l'Union européenne dans le cadre de la lutte contre les émissions des gaz à effet de serre est l'un des plus complexes mis au jour en France.

1,6 MILLIARD DE PERTES POUR L'ETAT

Il consistait à faire acheter par des "sociétés taxis" des quotas de CO2 hors taxe dans des Etats membres et à les revendre en France en facturant la TVA à 19,6% sans que l'acheteur, une autre société créée pour l'occasion, reverse celle-ci à l'Etat.

Le produit était réinvesti dans une autre opération similaire et les profits tirés de ce "carrousel" blanchis grâce à d'autres structures, par exemple à Hong Kong.

Au total, une douzaine de réseaux similaires ont été mis au jour en France, souvent imbriqués, avec des liens entre certains de leurs membres et, entre autres points communs, l'utilisation d'Israël comme base arrière ou refuge.

Au total, la Cour des comptes a évalué à 1,6 milliard d'euros la perte subie par l'Etat du fait de leur activité entre l'automne 2008 et juin 2009. Pour l'ensemble de l'UE, la perte serait de cinq à six milliards d'euros.

En France, les pouvoirs public y ont mis un coup d'arrêt en exonérant de TVA à partir du 8 juin 2009 les échanges de quotas.

Au total, une centaine de personnes ont été mises en examen en France dans ces dossiers de fraude sur les quotas de CO2.

La Cour d'appel de Paris ainsi confirmé le 28 juin les peines de quatre à huit ans de prison et les lourdes amendes infligées en première instance aux principaux protagonistes d'une de ces affaires, le dossier Mimran-Mouly, du nom des deux principaux prévenus.

Cette escroquerie avait coûté à l'Etat un manque à gagner évalué à 283 millions d'euros.

Le dossier le plus important, le "dossier marseillais", avec 27 prévenus et un préjudice de 385 millions d'euros, est un des prochains procès à venir.

(Edité par Yves Clarisse)