Remous dans la majorité sur la rétention des étrangers

reuters.com  |   |  724  mots
Remous dans la majorite sur la retention des etrangers[reuters.com]
(Crédits : Pascal Rossignol)

PARIS (Reuters) - La gestion de la rétention des étrangers promet de nourrir les divisions ouvertes dans la majorité par la politique d'asile et d'immigration du gouvernement, à sept jours de la présentation en conseil des ministres du projet de loi sur ce dossier.

Tout est en place pour l'examen parlementaire du texte en mars, avec la nomination mercredi par la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet, de la députée La République en marche Elise Fajgeles comme rapporteure.

Un rapport du député Aurélien Taché est par ailleurs attendu sur un plan d'intégration des réfugiés, forme de volet social aux projets du gouvernement.

Mais l'enfermement des étrangers déboutés de l'asile semble raviver des oppositions dans la majorité, notamment après des visites coordonnées lundi par une trentaine de députés dans des centres de rétention administrative (CRA).

A l'issue d'un déplacement au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) où elle a déploré la "saleté" des lieux, Yaël Braun-Pivet a assuré dans le quotidien L'Opinion que "le groupe En Marche ne reçoit pas d'injonction du gouvernement".

Elle a ajouté mercredi sur LCP que "si d'aventure la durée de rétention devait être rallongée, comme le prévoit le projet de loi - NDLR), les lieux devraient adaptés. Ils ne sont pas faits pour une aussi longue durée".

"Je ne pensais pas qu'un CRA ressemblait autant à une prison", a déclaré à la même chaîne le député Erwann Balanant (MoDem) après la visite d'un centre à Rennes.

En parallèle, un rapport parlementaire remis mercredi à la commission des Lois par le député LaRem Jean-Michel Clément et l'élu Les Républicains Guillaume Larrivé et consulté par Reuters se penche lui aussi sur la question des droits des étrangers.

DÉBATS JEUDI ET VENDREDI

Certaines des préconisations de Jean-Michel Clément, comme l'allongement de la durée de retenue administrative ou du délai donné au juge des libertés pour décider de la légalité du placement en rétention (48h), ont d'ores et déjà été retenues dans le projet de loi du gouvernement.

Mais l'élu membre du groupe "social" de la majorité demande également le retrait de la circulaire du 12 décembre, qui instaure des contrôles administratifs dans les centres d'accueil et revient selon les associations à opérer un "tri" des migrants. Son rapport sera débattu vendredi en commission.

Autre manifestation des réticences de certains élus LaRem face aux mesures d'enfermement, les débats sur la proposition de loi de "bonne application du régime d'asile européen" promettent d'être houleux ce jeudi à l'Assemblée.

Révélés la semaine dernière par LCP, une trentaine de députés LaRem, menés par la député du Bas-Rhin Martine Wonner, ont en effet annoncé contre l'avis de leur chef de file Richard Ferrand leur intention de déposer des amendements sur ce texte.

Adopté en décembre en première lecture à l'Assemblée, le texte permet la rétention des migrants relevant du règlement européen dit Dublin III soupçonnés de vouloir échapper à une décision d'expulsion.

Il a depuis été durci par les sénateurs, qui ont notamment réduit de quinze à sept jours le laps de temps dont disposent les étrangers pour faire appel d'une décision de transfert.

"Nous allons voter cette proposition de loi conforme mais nous aurions aimé la voter telle qu'elle est partie de l'Assemblée, non pas telle qu'elle est revenue du Sénat", a déclaré mercredi Richard Ferrand à la presse parlementaire, assurant de l'unité de la majorité à la veille du vote.

"Nous allons voir comment le projet de loi asile immigration et intégration pourrait être le bon véhicule pour éventuellement corriger un certain nombre de points de la proposition de loi. Il y a là-dessus un accord, y compris avec le gouvernement", a ajouté le président du groupe LaRem à l'Assemblée.

Le Défenseur des droits Jacques Toubon avait dénoncé dès la première version "un tournant politique déplorable en termes de respect des droits et des libertés fondamentales".

(Julie Carriat, avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)