Le projet de loi asile sera équilibré, assure la majorité

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(Crédits : Gonzalo Fuentes)

par Julie Carriat

PARIS (Reuters) - Les sensibilités humanistes de la majorité présidentielle ont assuré mardi croire à un projet de loi asile et immigration équilibré, grâce notamment aux débats à venir au Parlement, à la veille de la présentation du texte en conseil des ministres.

Le Conseil d'Etat a décidé mardi de ne pas suspendre la controversée "circulaire Collomb" instaurant des contrôles dans les centres d'hébergement d'urgence, comme le réclamaient des associations, mais en a toutefois précisé l'interprétation.

Les juges sont par ailleurs sévères à l'égard du projet de loi lui-même, selon des extraits diffusés par le journal Le Monde, où ils estiment que "s'emparer d'un sujet aussi complexe à d'aussi brefs intervalles rend la tâche des services chargés de leur exécution plus difficile, diminue sensiblement la lisibilité du dispositif".

Lundi, la remise d'un rapport sur l'intégration au Premier ministre a permis d'incarner un volet social au projet qui entend réduire les délais de la demande d'asile, notamment en abaissant la durée accordée aux demandeurs pour la déposer et pour contester la décision, et allonger les durées de rétention et de retenue administrative.

Le député La République en marche auteur de ce rapport qui préconise un doublement des heures de français et une réduction des délais pour travailler, a invité mardi les Français à oeuvrer à une meilleure intégration et estimé que le projet de loi ne remettait en cause ni le droit d'asile, ni la "tradition française" d'accueil.

"Je salue tous les Français qui s'engagent, et notamment ceux qui aujourd'hui dans la vallée de la Roya vont regarder si des jeunes ou moins jeunes sont dans une grande difficulté, une grande détresse", a dit Aurélien Taché sur France Inter.

Il a estimé par ailleurs que le "délit de solidarité" - terme utilisé par les associations pour désigner les condamnations visant des Français qui aident les migrants en situation illégale - était "en grande partie abrogé".

CONTRE-FEU HUMANISTE

"Peut-être qu'Aurélien Taché est sincère vu le passé qui est le sien, à gauche dans des cabinets plutôt sensibles à ces questions", a estimé sur LCP le député La France insoumise de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel.

"Mais, il faut l'appeler tel qu'il est, c'est un contre-feu, c'est une caution humaniste qui ne changera en réalité rien par rapport à la dureté de ce qui se prépare", a-t-il jugé.

Le ministre de l'Intérieur a salué mardi "l'énorme travail accompli" par le député mais a paru estimer que la question du travail des demandeurs d'asile serait réglée spontanément par la réduction des délais d'instruction prévue par le projet de loi.

"L'examen de l'asile devra être réalisé en six mois (contre onze mois en moyenne aujourd'hui, ndlr) et donc dès ce moment, la personne qui verra sa situation régularisée sera en mesure d'exercer une activité et de trouver un emploi", a-t-il dit.

Des élus LaRem, échaudés pour certains par la circulaire de décembre et l'adoption en l'état jeudi dernier d'une proposition de loi sur la rétention des étrangers durcie par le Sénat, récusent l'idée d'une majorité aux ordres du Premier ministre.

Matthieu Orphelin, député LaRem du Maine-et-Loire proche de Nicolas Hulot, assure mardi que le travail parlementaire "va permettre de continuer à rééquilibrer le texte".

OPPOSITION UNANIME SUR LE TERRAIN

Tout en notant une inflexion du gouvernement sur la notion de pays tiers, supprimée, et les droits des étrangers malades, il juge défavorablement l'allongement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours contenu dans le texte, un sujet déjà soulevé la semaine dernière par des députés LaRem à l'occasion de visites de centres de rétention administrative.

Il demande en outre de fixer le délai maximal de recours de la décision d'asile à 21 jours, contre 15 souhaités par le gouvernement.

La Cimade, une des principales associations d'aide aux migrants qui avait participé en janvier à des consultations au gouvernement, condamne pour sa part un "texte dangereux".

"Ce texte, rédigé par le ministère de l'intérieur sans consultation réelle des acteurs associatifs de terrain, représente une chute vertigineuse des droits des personnes réfugiées et migrantes en France", déclare Jean-Claude Mas, secrétaire général, réclamant le retrait du projet de loi.

La Cour nationale du droit d'asile - dépendant du Conseil d'Etat et chargée d'examiner les recours contre les décisions de l'Ofpra - est entrée mardi dans son huitième jour de grève contre la "politique du chiffre" qui régirait le projet de loi.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) lui a emboîté le pas mardi et annoncé une journée de grève soutenue par les syndicats Asyl et CGT-Ofpra mercredi.

A Paris, un rassemblement des acteurs de l'asile (CNDA, Ofpra, avocats des droits des étrangers, associations) est prévu devant le Conseil d'Etat mercredi à 11h30.

(Edité par Yves Clarisse)