La Turquie devrait envisager de criminaliser l'adultère, dit Erdogan

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La turquie devrait envisager de criminaliser l'adultere, dit erdogan[reuters.com]
(Crédits : Handout)

par Gulsen Solaker

ANKARA (Reuters) - La Turquie devrait à nouveau réfléchir à une criminalisation de l'adultère, a déclaré mardi le président turc Recep Tayyip Erdogan, revenant sur une question qui avait scandalisé les Turcs laïcs il y a plus de 10 ans et conduit l'Union européenne (UE) à mettre en garde Ankara.

Le parti AK (Justice et développement) avait lancé cette idée en 2004, deux ans après son accession au pouvoir, dans le cadre d'un vaste remaniement du code pénal turc. Mais cette proposition avait été rejetée à l'époque par l'opposition laïque et des responsables européens avaient dit qu'elle pouvait remettre en cause la volonté du pays d'adhérer à l'UE.

Même si la Turquie est toujours, techniquement, candidate à une entrée dans l'Union européenne, les discussions en vue d'une adhésion du pays sont gelés depuis la violente répression qui a sévi dans la foulée de l'échec d'un coup d'Etat en juillet 2016.

Tayyip Erdogan est agacé par ce qui constitue selon lui une volonté de l'Union européenne de bloquer le processus et à déjà menacé de mettre fin aux négociations d'adhésion.

"A mon avis, il serait très opportun de discuter à nouveau de la question de l'adultère, étant donné que notre société a changé de position par rapport aux valeurs morales", a-t-il dit à des journalistes à la suite d'un discours devant le Parlement.

"C'est une vieille question, aux vastes implications. Elle devrait être débattue. Elle figurait déjà dans nos propositions de loi de 2004. Nous avons alors pris une décision pour nous conformer aux exigences de l'Union européenne, mais ce fut une erreur de notre part."

En disant que la Turquie s'est trompée en voulant respecter les standards européens, Tayyip Erdogan souligne le fossé qui s'est creusé entre Ankara et Bruxelles, ce qui n'est pas de bon augure pour un sommet prévu en mars entre les deux parties.

La Turquie a dépénalisé l'adultère des femmes à la fin des années 1990. C'était déjà le cas depuis très longtemps pour les hommes.

Tayyip Erdogan, accusé par ses détracteurs de mettre à mal les libertés démocratiques avec l'arrestation de dizaines de milliers de personnes et des attaques répétées contre les médias depuis le coup d'Etat avorté, a déjà évoqué par le passé son désir de voir émerger une "génération pieuse".

Il a consacré sa vie politique au retour du religieux dans la vie publique d'une Turquie qui est constitutionnellement laïque. Il se présente comme le libérateur de millions de Turcs pieux dont les droits auraient été négligés par l'Etat laïc.

En juillet, la Turquie a annoncé la mise en place du nouveau programme enseigné dans les écoles, où la théorie de l'évolution de Charles Darwin a été retirée, car jugée trop difficile à comprendre.

Une enquête menée le mois dernier par Reuters montre que les étudiants des écoles religieuses ne représentent que 11% des effectifs de l'enseignement supérieur mais qu'ils reçoivent 23% des sommes allouées par l'Etat.

(Benoit Van Overstraeten pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)