Trump amorce une inflexion sur les armes après le massacre en Floride

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(Crédits : Leah Millis)

par Andy Sullivan et Roberta Rampton

WASHINGTON (Reuters) - Donald Trump a annoncé mardi que son administration allait prendre des mesures pour interdire les "bump stocks", mécanisme qui permet aux armes semi-automatiques de tirer des centaines de balles à la minute, en pleine polémique sur le contrôle des armes à feu après le massacre dans un lycée en Floride.

Un durcissement de la législation sur les armes marquerait une inflexion du président américain, qui s'est présenté depuis la campagne de 2016 et son entrée à la Maison blanche comme le champion du Deuxième amendement de la Constitution garantissant aux Américains le droit de porter une arme.

Donald Trump cherche à reprendre l'initiative après la fusillade qui a fait 17 morts la semaine dernière dans un lycée de Parkland, perpétrée par un jeune homme de 19 ans, Nikolas Cruz, qui avait acheté légalement son fusil d'assaut de type AR-45.

Paradoxe de la législation fédérale, les jeunes Américains ne peuvent acheter un pistolet avant l'âge de 21 ans alors que rien ne les empêche d'acquérir un fusil semi-automatique dès 18 ans.

Le massacre de Parkland a provoqué la colère de lycéens américains, qui ont vivement pris à partie Donald Trump lors d'un rassemblement à la mémoire des victimes samedi dernier et qui ont annoncé depuis l'organisation d'une grande "marche pour nos vies" le 24 mars à Washington.

Plusieurs célébrités, dont George Clooney, Oprah Winfrey et Steven Spielberg, ont apporté mardi leur soutien à ce mouvement lycéen en faveur d'un renforcement du contrôle des armes à feu.

Pour l'heure, c'est un dispositif utilisé à l'occasion d'un autre massacre, celui de Las Vegas où 58 personnes avaient été tuées et plus de 500 blessés en octobre dernier, qui est dans le viseur de la Maison blanche.

RENCONTRE AVEC DES LYCÉENS

Donald Trump a en effet signé une note demandant au ministre de la Justice, Jeff Sessions, de faire interdire les "bump stocks", mécanisme qui permet à une arme semi-automatique de tirer en rafale.

"Je pense que cette réglementation importante sera prête très prochainement", a déclaré le président américain. "Nous ne pouvons pas nous contenter de prendre des mesures qui nous donnent l'impression de faire la différence, nous devons faire la différence", a-t-il ajouté.

La porte-parole de la Maison blanche, Sarah Sanders, a indiqué que d'autres mesures étaient à l'étude, dont la possibilité de fixer un âge plancher pour pouvoir acheter des fusils d'assaut.

La National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes qui a soutenu Donald Trump pendant la dernière campagne présidentielle, a dit réserver sa réponse jusqu'à ce que le détail de la nouvelle législation soit connu.

Mais elle n'a pas caché son hostilité à tout renforcement du contrôle des armes. "Il a été démontré maintes et maintes fois que l'interdiction des fusils semi-automatiques et des accessoires (comme les "bump stocks", NDLR) n'empêchent pas les activités criminelles et punissent les citoyens respectueux de la loi à cause des actes criminels des autres", a commenté une porte-parole de la NRA, Jennifer Baker.

Face au militantisme du lobby des armes, la sénatrice démocrate Dianne Feinstein a appelé Donald Trump à ne pas se contenter d'un décret présidentiel, qui pourrait être bloqué pendant des années par des actions en justice, mais à faire adopter une loi par le Congrès.

Le président américain doit rencontrer mercredi des lycéens, des parents d'élèves et des enseignants de Parkland et d'autres établissements théâtres de massacres dans le Colorado et le Connecticut, afin d'envisager avec eux des mesures pour renforcer la sécurité en milieu scolaire.

Vu sa proximité affichée avec la NRA et sa politique en la matière (il a annulé une mesure de Barack Obama imposant des contrôles supplémentaires aux acheteurs ayant des antécédents psychiatriques), Donald Trump aura fort à faire pour convaincre ses détracteurs, qui le soupçonnent de vouloir se contenter de "mesurettes" pour esquiver la question d'un véritable contrôle des armes à feu.

CONTRÔLE DES ANTÉCÉDENTS

Depuis la fusillade de Parkland, la Maison blanche a apporté son soutien à un projet de loi qui renforcerait le système de contrôle des antécédents criminels des acheteurs en contraignant les agences de sécurité fédérales et des Etats à partager leurs bases de données.

Le texte a été adopté par la Chambre des représentants mais pas par le Sénat, car les démocrates dénoncent le fait qu'il est couplé à une mesure permettant aux Américains disposant d'un permis de port d'armes dissimulées de circuler plus facilement d'un Etat à l'autre.

Les démocrates jugent une telle mesure absurde dans ce contexte et rappellent qu'un renforcement du contrôle des antécédents criminels ne résoudra de toute façon pas tous les problèmes. Cela n'aurait par exemple pas permis d'empêcher le massacre de Parkland.

Le sénateur démocrate Chris Murphy, à l'origine de ce projet de loi avec son collègue républicain John Cornyn, s'est malgré tout dit encouragé par le fait que Donald Trump avait infléchi sa position sur le contrôle des armes à feu.

"Il y a eu cette semaine de multiples signes que nous avons atteint un point de rupture dans ce débat où, pour la première fois, les politiciens ont peur des conséquences politiques de leur inaction", a-t-il écrit sur Twitter.

Mais si les Américains se disent dans une grande majorité favorables à un durcissement de la législation, les partisans des armes sont loin de baisser pavillon.

Pour eux, la réponse à un massacre comme celui de Parkland passe au contraire par le fait d'autoriser les enseignants à avoir une arme en cours ou d'installer des portes blindées dans les classes.

"On ne peut pas légiférer contre le mal", explique imperturbablement Sean Caranna, directeur de Florida Cary, un groupe de pression qui défend les droits des détenteurs d'armes à feu.

(Avec Eric Beech et Richard Cowan; Tangi Salaün pour le service français)