Evacuation du site d'enfouissement de Bure

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Evacuation des opposants au site d'enfouissement de bure[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS/STRASBOURG (Reuters) - Les militants antinucléaires qui occupaient le site du futur centre d'enfouissement de déchets radioactifs de Bure, dans la Meuse, ont été évacués jeudi lors d'une opération de gendarmerie, a annoncé le ministre de l'Intérieur.

Cinq cents gendarmes ont investi au petit matin le Bois-Lejuc, sur la commune de Mandres-en-Barrois, un site où le gouvernement ne voulait à aucun prix voir réapparaître une Zone à défendre (ZAD) de l'ampleur de celle de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

Quinze personnes ont dû quitter les lieux après un contrôle d'identité.

Sept personnes ont été placées en garde à vue à la suite de l'évacuation et d'incidents qui se sont produits dans le centre de Bure, a-t-on appris auprès de la préfecture.

"Sous l'autorité de la préfète de la Meuse, une opération menée par la gendarmerie a débuté ce matin à 6h15 visant à mettre fin à l'occupation illégale du Bois-Lejuc, site destiné au projet d'intérêt national Cigéo, situé au nord de la commune de Bure", a annoncé Gérard Collomb dans un communiqué.

Cette évacuation "vient mettre à exécution une décision de justice du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc", a-t-il précisé.

Le Bois-Lejuc a été acquis par l'Andra, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), pour y installer les puits de descente du personnel et du matériel destinés au futur centre de stockage Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) situé à Bure.

Un laboratoire souterrain y teste actuellement les capacités de confinement des couches argileuses situées à 500 mètres de profondeur.

Le Cigéo devra y stocker pour une durée illimitée les déchets nucléaires à la durée de vie la plus longue. La loi prévoit toutefois une réversibilité du stockage durant les cent premières années au cas où une meilleure option émergerait.

Dans un avis rendu en janvier, l'Autorité de sûreté nucléaire a validé les études techniques de l'Andra pour la réalisation du centre de stockage tout en lui demandant de revoir sa copie pour certains déchets inflammables.

Interrogé sur le sujet à l'Assemblée nationale, Nicolas Hulot s'est montré prudent sur la suite des événements.

"On n'a pas brûlé les étapes à Bure et d'abord rien n'est définitif et rien n'est acté", a déclaré le ministre de la Transition écologique, précisant qu'il n'avait pas l'impression d'être fondamentalement "en porte-à-faux avec (sa) conscience".

"Ce n'est pas la conception que je me fais d'une civilisation mais je ne peux pas (...) faire disparaître par enchantement (les déchets)", a-t-il ajouté.

"GESTICULATION POLITIQUE"

La mise en service du Cigéo est prévue en 2027 pour une phase pilote et cinq ans plus tard pour le début de la phase industrielle.

"Il n'est pas question que l'on puisse laisser s'enkyster des gens qui décident ce qui est bon pour la nation, pour eux, contre la loi", a déclaré le délégué général de LaRem, Christophe Castaner. "Il faut que le droit soit respecté partout", a-t-il ajouté.

Plusieurs gouvernements successifs ont été confrontés à l'occupation par des opposants du site prévu pour la construction - finalement annulée - d'un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, dans l'ouest de la France, une situation que l'exécutif ne veut pas revivre.

Le directeur de l'Observatoire du nucléaire, organisme indépendant de surveillance de l'industrie, a jugé "absurde" et "démesurée" l'opération de police, dans une interview à Reuters.

"C'est une opération militaire absurde dans la mesure où les études montrent que ce projet d'enfouissement de déchets radioactifs est infaisable et que techniquement et industriellement il est impossible à réaliser", a déclaré Stéphane Lhomme.

Il voit dans cette opération "une gesticulation à des fins politiques nationales pour peut-être reprendre la main après avoir été obligé de reculer sur l'aéroport de Notre-Dames-des-Landes".

"Le gouvernement actuel est tout aussi pro-nucléaire que les précédents. Il est dans le déni de la réalité de cette industrie qui s'effondre partout dans le monde y compris en France", estime-t-il.

(Gilbert Reilhac et Claude Canellas, avec Julie Carriat et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)