Macron offensif deux jours avant le Salon de l'agriculture

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(Crédits : Pool New)

PARIS (Reuters) - A deux jours du Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron a livré jeudi un discours offensif devant la nouvelle génération d'exploitants agricoles, prônant la fin de décennies de "promesses non tenues" et en se posant en garant des intérêts français sur le marché mondial.

Reproduisant la méthode utilisée en novembre avec des maires échaudés par les décisions budgétaires du gouvernement, le chef de l'Etat a convié à l'Elysée près d'un millier de jeunes agriculteurs âgés de moins de 35 ans, récemment installés et représentatifs de l'ensemble des filières.

L'objectif de cette rencontre de quelques heures : déminer le terrain, rassurer la "génération Y de l'agriculture" sur l'avenir de ce secteur et attirer de "nouveaux talents" à l'heure où 40% des agriculteurs actuellement en activité vont partir à la retraite d'ici 2020.

"Cet avenir ne se construira (...) ni dans les fausses promesses ou les faux engagements et je ne vous en tiendrai pas parce qu'on vous a trop promis que les choses étaient possibles pour après se faire condamner par Bruxelles", a dit Emmanuel Macron.

"Les urgences qui frappent aujourd'hui le monde agricole rendent insupportables les postures historiques et nous ne pouvons plus accepter que certains se posent en grands défenseurs de l'agriculture en paroles et travaillent en actes à maintenir le statut quo et le statu quo tue" l'agriculture, a-t-il ajouté, précisant ne pas "être là pour plaire" mais "pour faire".

CONTRE-VERITES ET LIGNES ROUGES

En dépit des assurances données depuis le début du quinquennat, la promesse d'un "printemps" de l'agriculture française formulée par le chef de l'Etat fin janvier peine toujours à convaincre des éleveurs qui restent confrontés à des situations financières tendues.

Cette "réception", perçue comme "un coup de com'" par certains agriculteurs, s'est tenue au lendemain d'une journée de mobilisation nationale organisée à l'appel de la FNSEA, premier syndicat agricole, et des Jeunes Agriculteurs (JA) qui s'inquiétent du traité de libre échange entre l'Union européenne et le Mercosur, actuellement en négociation.

Les éleveurs redoutent l'arrivée massive de produits sud-américains sur le marché européen qui constituerait selon eux une concurrence déloyale.

"Il y a beaucoup de contre-vérités sur ce sujet", a estimé Emmanuel Macron. "Il n'y aura aucune réduction de nos standards de qualité, sociaux, environnementaux, sanitaires à travers cette négociation. Il n'y aura jamais de boeuf aux hormones en France, il ne faut pas commencer à jouer avec les peurs des gens."

De la même manière, le chef de l'Etat a assuré que la "clause de sauvegarde", qui permet de suspendre l'application de l'accord si un "marché est déstabilisé" et si "des prix sont bousculés", restait une ligne rouge.

La France doit de son côté, a-t-il poursuivi, entamer la réorganisation de sa filière boeuf à l'heure où 70% de la viande bovine en restauration est importée faute de remise en question ces dernières années de certains maillons, dont la transformation et la découpe.

Quelques mois après l'acquisition par un investisseur chinois de terres à blé dans l'Indre et dans l'Allier - une annonce qui avait suscité l'ire des agriculteurs-, le chef de l'Etat a également annoncé l'instauration de "verrous réglementaires".

"Les terres agricoles en France, c'est un investissement stratégique dont dépend notre souveraineté, donc on ne peut pas laisser des centaines d'hectares rachetés par des puissances étrangères sans qu'on sache la finalité de ces rachats", a-t-il souligné.

PLAN D'INVESTISSEMENT A L'AUTOMNE

Autre point de crispation entre l'Etat et les agriculteurs, la modification de la carte des "zones défavorisées", qui détermine le versement de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) hors montagne. L'aide varie de 6.000 à 10.000 euros par an pour un agriculteur selon les territoires.

Selon la dernière version de la carte - qui a fait l'objet de 115 versions -, 14.000 communes y sont désormais classées contre 1.349 communes sortantes. Prenant acte de l'"angoisse" que cela pouvait engendrer chez certains éleveurs, le chef de l'Etat a une nouvelle fois assuré qu'ils seraient accompagnés financièrement le temps de la transition, fixée à deux ans, et exclut toute "fin brutale" des indemnités.

Emmanuel Macron a également précisé le plan de cinq milliards d'euros sur cinq ans, promis pendant la campagne présidentielle, indiquant qu'il entrerait en vigueur à l'automne.

(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)