A Nantes, les femmes apprennent à mieux négocier leur salaire

reuters.com  |   |  584  mots

NANTES (Reuters) - Pour briser le plafond de verre auquel elles se heurtent dans leur vie professionnelle, cent femmes ont participé samedi à Nantes à un "NégoTraining", une formation gratuite pour leur apprendre à mieux négocier leur salaire.

La question est loin d'être réglée en France où, selon des chiffres publiés en 2017 par l'Insee, l'écart de revenu salarial entre femmes et hommes, tous postes confondus, s'élève à 24%.

Réparties en petits groupes de quinze dans les salons de l'hôtel de ville, les participantes ont répondu à des questionnaires et participé à des jeux de rôles, au cours desquels elles ont appris par exemple que l'égalité salariale ne sera "pas atteinte avant l'année 2.186 si rien n'est fait".

Autre chiffre symptomatique diffusé durant la formation : l'écart de salaire dû à la seule "discrimination pure" entre hommes et femmes - une fois exclues les différences liées au temps partiel ou aux heures supplémentaires - s'élève à 10%.

"J'ai travaillé presque toute ma vie dans l'informatique, où les salariés sont très gâtés mais les femmes beaucoup moins", témoigne Pascale Bras, 43 ans, qui co-anime ce "module d'accompagnement" après en avoir été l'une des premières participantes, à l'automne dernier.

"Vers 40 ans, je me suis aperçue qu'il y avait de gros écarts de salaires avec mes camarades de promotion masculins", se souvient cette ancienne responsable des ressources humaines. "Il m'arrivait d'embaucher de jeunes hommes qui allaient gagner 10.000 euros de plus par an que moi."

"Mais tout cela est aussi de notre faute : si on ne demande pas d'augmentation, c'est normal de ne pas en avoir", estime pour sa part Annie Sorel, ancienne membre du comité de direction de l'enseigne de prêt-à-porter Kiabi, qui anime également la formation du jour.

"ON PEUT LE FAIRE"

Après avoir "découvert le plafond de verre" quand elle était directrice des achats pour l'enseigne de grande distribution Prisunic puis chez l'opticien Krys, cette militante de 60 ans a insisté samedi sur l'importance de s'arroger aussi les "attributs de pouvoir" informels (bureau d'angle, voiture de fonction, par exemple) souvent dévolus aux hommes.

Le dépliant de leur formation, organisée par la ville de Nantes et l'école de commerce Audencia, reprend l'affiche de propagande américaine de 1943 "We can do it" ("On peut le faire"), sur laquelle l'ouvrière d'une usine d'armement se retrousse les manches.

Pour cette opération, les organisateurs se sont inspirés d'une initiative lancée il y a deux ans à Boston, aux Etats-Unis, où 85.000 femmes ont pu être sensibilisées à ces questions.

Plusieurs partenaires sociaux, le Medef pour le patronat, et la CFDT ou la CFE-CGC pour les syndicats de salariés, se sont associés à l'opération.

"Cela nous semblait dangereux de développer une telle initiative sans associer les entreprises, car certaines pouvaient mal l'interpréter et redouter une hausse de leur masse salariale", explique le conseiller municipal André Sobczak, par ailleurs enseignant titulaire de la chaire Responsabilité sociale des entreprises (RSE) à Audencia.

Nantes s'est donnée pour objectif de former 5.000 femmes en deux ans et "mise sur l'effet boule de neige" pour que les participantes sensibilisent à leur tour leurs proches.

L'attente semble bien réelle : les cent places de la formation de samedi ont été pourvues en une semaine, dit-on à la mairie. Le prochain "module d'accompagnement" aura lieu le 8 mars, date de la Journée internationale des droits de la femme.

(Guillaume Frouin, édité par Simon Carraud)